Formulaire de recherche


SNJ - 33 rue du Louvre - Paris 75002 - 01 42 36 84 23 - snj@snj.fr - Horaires


LE SYNDICAT

Les travaux du SNJ

Elle démarre partout, sans concertation

La révolution Internet est en marche

Mise en place au 2006 par le Bureau national, la commission multimédia du SNJ a entamé un état des lieux des pratiques et des évolutions en cours dans les entreprises. De nombreuses sections ont déjà fait remonter des informations souvent inquiétantes. En voici une première synthèse. La prochaine étape sera la rédaction d’un vade-mecum à l’intention de nos délégués.

Le premier constat : les patrons de presse décident de se lancer dans l’aventure des sites Internet et des médias électroniques, mais ils ne souhaitent engager aucune négociation avec les organisations syndicales. Les arguments avancés : « Le journaliste est polyvalent ; pourquoi ne travaillerait-il pas sur deux médias à la fois ? » « Internet en est à ses débuts et la presse n’est pas au mieux de sa forme. Par conséquent, il est vital de travailler à moyens constants sur les sites web. »

Les patrons voient dans les sites un moyen d’optimiser les effectifs et de potentialiser les moyens, à leur manière bien entendu. À l’ère du « tout image » et du divertissement tous azimuts, pourquoi ces directeurs de médias n’en profiteraient-ils pas pour créer une nouvelle sorte de journalistes... Leur travail aurait la couleur du journalisme, la saveur du journalisme, mais il ne serait pas fait par des journalistes. Plutôt par des internautes créateurs d’information. Le passage des rédactions à la moulinette de la compression numérique peut commencer si l’on en croit les premières remontées.

Là où il y a un semblant de négociation, elle porte uniquement sur les droits d’auteur. Bien que parfaitement légitime, cette seule démarche peut masquer la tentative du patron de passer en force pour développer les sites web à moyens constants. 

Quand une explication est fournie par la direction, généralement, elle est très parcellaire et ne concerne qu’une partie de la société ou des outils de travail. C’est très rarement une vision globale, pourtant nécessaire à la compréhension du processus.  

Des questions essentielles

La convergence numérique va imposer Internet comme un média total, englobant l’ensemble des autres médias. Ce passage de l’environnement matériel à celui de l’immatériel devrait être considéré comme une rupture culturelle profonde. Les modèles, les usages, les pratiques des métiers, les règles vont s’en trouver profondément bouleversés. C’est une occasion pour le journalisme de revenir à ses sources. Ce ne sera pas un nouveau métier, mais un métier qui se pratiquera avec de nouveaux outils et des contenus complètement dématérialisés. Nous nous devons d’investir ces nouveaux territoires.

Quelles vont être les problématiques que nous allons rencontrer. Il ressort des messages les questions suivantes :

- Le passage du média traditionnel au média électronique ne va-t-il pas être contraignant ?

- Le travail des journalistes sur plusieurs supports (papier, télé, web, téléphonie), avec de multiples compétences, (papier, vidéo, photo, infographie, son...) ne va-t-il pas altérer considérablement la qualité du travail journalistique ?

- Quelle augmentation de salaire pour un tel surcroît de travail ? Quelle formation pour de nouvelles compétences et quel avenant au contrat de travail ?
- Faut-il imposer des équipes rédactionnelles dédiées pour travailler sur le web ?

- Les moteurs de recherche ne vont-ils pas supplanter les services de documentation et dépasser le travail du journaliste ?

- Ne va-t-on vers une information uniforme ?

- Comment gérer la flexibilité des horaires à la mise en ligne en temps réel, qui impose de faire vivre le site 7 jours sur 7 et 24 heures sur 24 ?

- Pouvons-nous raisonner avec les modèles et les outils issus du matériel dans un environnement immatériel ?

- Quelle sera l’importance de l’information sur les téléphones portables et autres supports nouveaux ?

- Ne risque-t-on pas l’éclatement des rédactions avec le travail à distance ?

- Les blogueurs vont-ils devenir les nouveaux correspondants locaux de presse qui pourraient se nommer « correspondants électroniques de presse » ? Ne vont-ils remplacer les journalistes ?

- La segmentation de l’information ne va-t-elle pas rendre caduc les accords sur les droits d’auteur ?

Agir dans l’entreprise

Nous constatons que les entreprises de presse sont concurrencées par les entreprises technologiques qui investissent de plus en plus dans le domaine des médias. Cette nouvelle situation économique est présentée comme une cause de concentration et de restructuration. Le groupe « Lagardère Active Média » (LAM qui veut dire « fuite » en anglais) en est un exemple significatif. 

En mettant en avant la « marque », les patrons veulent favoriser la valorisation de leur image pour espérer vendre du contenu et de l’audience sur le net. Ils vont en profiter pour jouer aussi la carte de l’aide consentie à la presse par l’État pour garantir une soi-disant labellisation de l’information. Une orientation que l’on peut retrouver prochainement dans le rapport de Marc Tessier à l’adresse du ministre de la Culture (lire page 32).

Nous sommes dans une période de transition entre le monde réel et celui du virtuel. Pour autant, les lois, les conventions et les accords sont toujours valables. Ce n’est pas l’état de fait qui va primer sur l’état de droit, comme on voudrait nous l’imposer dans de nombreux organes de presse.

Nous devons, au niveau de chaque titre, imposer l’ouverture de négociations. Nous avons pour cela le CHSCT et le CE. Il faut dire que l’émergence de nouvelles technologies de l’information, donc de nouveaux usages, de nouvelles pratiques, nécessite l ?avis d ?un expert, la mise en place de commissions de CE, CHSCT, groupes de travail. Les objectifs sont multiples : 

- Révéler la stratégie globale des directions sur le passage au numérique.

- Étudier la pertinence d’une équipe éditoriale dédié au web et au téléphone mobile.

- Demander à l ?expert missionné par le CE une analyse de l’investissement et des retombées sur l’entreprise.

- Voir l’impact sur le droit du travail, la convention collective, les accords nationaux et d’entreprise, l’organisation du travail, la flexibilité (7 jours sur 7, 24 heures sur 24).

- Faire en sorte que, dans chaque réforme, les journalistes soient intégrés à la concertation, qu’ils participent au choix des outils.

- Obtenir une étude précise dans chaque titre.

- Exiger une charte de bonne conduite éditoriale sur le réseau qui comprend trois concepts : l’indexation, la validation et la traçabilité.

- S’attacher à un point très, très, important : la formation à tous les niveaux.

- Dernier point : obtenir la mise en place d’une commission de suivi.

- Par ailleurs, nous devons aborder sans réticence la question des écoles de formation. Comment vont-elles réagir à la convergence ? Quelles vont être les nouvelles formations ? Quel type de journaliste vont-elles former ?

En conclusion : la qualité de l’information sur le net implique qu’elle soit traitée par des journalistes professionnels, au sein d’une équipe rédactionnelle. Le journaliste doit revenir aux sources de son métier. Les informations des blogs devraient être considérées comme des témoignages, des expertises ou des passions. Ce n’est que de la matière à l’état brut qui doit être vérifiée, enrichie, hiérarchisée et mise en perspective. Nous devons partir de ce principe pour essayer de trouver des solutions.

Pour la commission,

Patrick DAMIEN

accès pour tous