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Communiqués des sections
Section SNJ Groupe EBRA

Derrière l’interview idéale de Philippe Carli, une autre réalité pour les salariés du groupe Ebra


Dimanche 3 octobre, un article intitulé « Désormais à l’équilibre, Ebra repart de l’avant » est paru dans les pages « Médias et publicité » du Figaro, sous la forme d’un entretien journalistique avec Nicolas Théry et Philippe Carli, respectivement présidents du Crédit Mutuel et du groupe EBRA.

Point d’orgue d’un « plan com’ » bien huilé, avec ses éléments de langage comme la notion de « saison 2 » du pôle presse du Crédit Mutuel, l’interview n’a pas manqué de faire réagir de nombreux salariés du groupe, qui n’ont pas reconnu la réalité de leur travail quotidien dans les mots de nos deux dirigeants, apparus un peu « hors-sol » par rapport à la situation sociale réelle dans l’ensemble des journaux du groupe.

Nous, représentants SNJ des neuf titres du groupe Ebra (le Dauphiné libéré, le Progrès, Le Bien public, le Journal de Saône et Loire, l’Est Républicain, le Républicain Lorrain, Vosges Matin, les Dernières Nouvelles d’Alsace, l’Alsace), avons sélectionné quelques extraits éloquents qui méritent une séance de fact-checking.

 

  • « J’ai convaincu nos élus […] Avec Philippe Carli comme dirigeant, les équipes de presse se sont engagées avec passion dans ce défi. »

Un défi. Ce que M. Théry oublie de dire dans sa description idyllique du groupe Ebra, c’est que cette « stratégie de redressement » a un terrible bilan humain : trois salariés se sont suicidés sur leur lieu de travail, deux aux Dernières nouvelles d’Alsace, en 2019 et en 2020 et un à Euro Information, autre filiale du Crédit Mutuel, en 2021.

Il faut préciser que ces transformations en profondeur des organisations de travail et des lignes éditoriales sont effectués à marche forcée, avec des effectifs réduits comme peau de chagrin dans tous les services, et des moyens matériels, informatiques, technologiques, qui ne sont pas à la hauteur des ambitions affichées. Ce qui génère beaucoup de stress et de souffrance au travail, chez les salariés.

 

  • « Philippe Carli […] est parvenu à redresser le groupe Ebra, désormais à l’équilibre. […] Au final, le montant des économies réalisées s’est élevé à 130 M€ pour un chiffre d’affaires de 500 M€. »

Ce que Nicolas Théry oublie de dire, c’est que leurs idées pour développer les titres n’ont rien à voir avec ce retour à des comptes de résultat à l’équilibre ou positifs (hormis le pôle Est Républicain-Républicain Lorrain-Vosges Matin encore déficitaire). La « stratégie de redressement du Crédit Mutuel », c’est d’abord l’effacement pur et simple de la dette de chaque titre du groupe : augmentation de capital de 113 M€ en 2018 pour Le Progrès, apport en compte courant de 7 M€ en 2021 pour l’Est Républicain et de 5 M€ pour le Dauphiné libéré fin 2020...

Nommé à la tête du groupe Ebra, Philippe Carli avait annoncé des économies d’échelle sur les frais de personnel. Contrat rempli, en effectuant des coupes franches dans les effectifs, soit à l’aide de plans de départs volontaires, soit en misant sur des glissements naturels vers la retraite grâce à une favorable pyramide en V. Cette politique d’austérité a abouti à une profonde dégradation des conditions de travail et de la santé des salariés confirmée par plusieurs rapports de cabinets d’expertise.

Le redressement a aussi été porté par la vente d’une partie du patrimoine immobilier des titres.

Philippe Carli s’était aussi engagé à développer les chiffres d’affaires des titres du groupe. Les comptes de résultats démontrent qu’il a manifestement échoué dans sa mission. Ne faisant ainsi reposer sa stratégie de retour à l’équilibre d’Ebra que sur l’investissement social, c’est-à-dire une hémorragie de départs en tous genres et sur l’externalisation de nombreuses activités (quelques mois après la création d’Ebra services, les salariés sont en grève ce vendredi 19 novembre), avec les conséquences que l’on constate sur le service rendu aux lecteurs et annonceurs !

Effectivement M. Carli, vous avez réussi à détruire notre culture d’entreprise et dévaloriser notre identité régionale !

 

  • « Ebra est une réussite éditoriale avec un accroissement de la diffusion et une plus grande visibilité dans nos régions ».

Etonnant, quand on sait que des agences ont été fermées (Carpentras, Bollène, Sallanches…) ou regroupées, ou déplacées en périphérie des villes, avec des accueils fermés au public (Grenoble, Valence, Bourg-en-Bresse…) car les directions ont décimé les effectifs des employées. Sans oublier la réduction du nombre de journalistes (moins 4 au Dauphiné Libéré en 2020, moins 20 au Progrès fin 2018, moins 25 à l’Est Républicain depuis fin 2018) ou du nombre d’éditions (15 au Dauphiné libéré contre 32 avant le Covid).

Dans son monde idéal, Philippe Carli évoque « des partenaires sociaux ». Dans la réalité, le dialogue social se résume très souvent à un évitement des organisations syndicales (refus de négocier les organisations de travail dans le cadre de la mise en place du Digital First, constat de désaccord sur les NAO, outils imposés par la filiale Euro Information…) et les CSE se transforment en simples chambres d’enregistrement où les élus sont mis devant le fait accompli, sans concertation. Les seuls accords signés sont pour la plupart des PSE. Et les négociations ouvertes au niveau du groupe sur la « qualité de vie au travail » semblent plus dictées par la volonté de mettre la poussière sous le tapis que de réellement changer de logiciel sur les conditions de travail.

Les alertes adressées aux inspections du travail sont nombreuses mais les directions n’en ont cure. Nous nous démenons pour faire remonter les inquiétudes et les colères des salariés… Sans être entendus. Même les burn-out, les départs de journalistes, les tensions dans les équipes, les alertes de la médecine du travail n’y font rien. Alors, si Ebra est désormais profitable, il serait temps que celles et ceux qui donnent vie tous les jours aux journaux du groupe voient leurs conditions de travail s’améliorer. Et leur travail respecté.

 

Document(s) joint(s) : PDF icon Réponse article Carli-VL.pdf
Veurey-Voroize, le 19 Novembre 2021

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