Formulaire de recherche


SNJ - 33 rue du Louvre - Paris 75002 - 01 42 36 84 23 - snj@snj.fr - Horaires


Communiqués de presse

3 mai, journée mondiale de la liberté de la presse

La liberté de la presse, toujours un grand chantier en France


Déclaration du Syndicat national des journalistes lue par Emmanuel Poupard, premier secrétaire général, lors de l'hommage rendu aux journalistes morts pour l'information, sur la place Ghislaine Dupont - Claude Verlon - Camille Lepage à Paris, ce mercredi 3 mai 2022, lors de la Journée mondiale de la liberté de la presse.



Mesdames, messieurs,
Chers amis,
Camarades,

C'est avec émotion que nous nous retrouvons ici, chaque année, sur cette place Ghislaine Dupont - Claude Verlon – Camille Lepage, inaugurée il y a quatre ans, dans le quartier historique de la presse, à quelques pas du siège du Syndicat national des journalistes.

D’une année sur l’autre, ce rendez-vous est l’occasion pour nous de dresser un bilan de la situation de la liberté de la presse, qui malheureusement ne fait qu’empirer en France. Oui, la liberté de la presse est toujours en chantier en France. La liberté de la presse comme les libertés fondamentales sont loin d’être acquises dans le pays de la Déclaration des droits de l’homme.

Il y a quelques jours, le 1er mai, Fête du travail, le Conseil des droits de l'homme de l'ONU a épinglé la France sur la situation des droits humains en France, et notamment les violences policières lors d'opérations de maintien de l’ordre. Des pays ont même demandé à la France de « repenser sa politique en matière de maintien de l’ordre ».

Lors des mobilisations contre la loi retraites en France, des journalistes ont en effet été pris pour cible et empêchés de travailler dans le cadre de leur mission d’informer : caméras arrachées, arrestations arbitraires, garde-à-vue depuis plusieurs dizaines d’heures, pris à partie par la Brav-M, etc. On a même vu - et c’est une première que le SNJ a condamné - des policiers dirigeant volontairement leurs flashes en direction des journalistes pour les empêcher de prendre des photos ou de capter des images.

Sur un bon nombre de ces cas, le SNJ a saisi Claire Hédon, la Défenseure des droits.

Combat de tous les instants, la liberté de la presse est un long chemin en France. Ces derniers mois, le SNJ a également combattu, sur le terrain juridique, les tentatives de museler et censurer la presse.

Le 18 novembre dernier, une ordonnance sur requête du tribunal judiciaire de Paris avait été adressée par huissier à Médiapart lui interdisant, « sous astreinte de 10 000 € par extrait publié », de publier la suite de son enquête sur le maire de Saint-Etienne, Gaël Perdriau. Saisi en référé, le tribunal judiciaire de Paris a levé le 30 novembre l’ordonnance qui empêchait Mediapart de publier sa nouvelle enquête sur le maire de Saint-Etienne. Si c’est une victoire de la liberté d’informer sur l’arbitraire, cette censure, inédite depuis la fin de  la Seconde Guerre mondiale, aura duré 12 jours !

Le 19 janvier, la société Altice a été déboutée de toutes ses demandes à l’encontre du média en ligne Reflets.info par la Cour d’appel de Versailles. Saisi en référé par le groupe de télécoms et de médias français (SFR, BFM, RMC, l’Express, Libération) et son propriétaire Patrick Drahi, au nom de la protection du secret des affaires, le tribunal de commerce de Nanterre avait rendu le 6 octobre 2022 une ordonnance hallucinante, par laquelle il interdisait au site d’information de publier tout nouvel article sur le groupe Altice et les #DrahiLeaks ! La liberté d’informer a obtenu justice, mais le feuilleton n’est pas terminé puisqu’un jugement sur le fond a été porté par Altice.

Pierre angulaire du métier de journaliste, le secret des sources des journalistes est régulièrement attaqué depuis plusieurs mois.

Le 1er mars 2023, une journaliste de La Nouvelle République a été entendue en « audition libre » dans les locaux de l’Inspection générale de la police nationale (IGPN) à Rennes. Cette audition fait suite aux poursuites lancées par le parquet de Tours pour « recel du secret professionnel » et « recel du secret de l’enquête ».

Le 4 avril dernier, l'IGPN a convoqué comme témoins, deux journalistes d’Angers. Leur convocation fait suite à la publication d'articles parus dans les titres respectifs à propos d'une saisie record de drogue de 1,5 million d’euros à Angers avec mise en examen.

Ces convocations ont pour seul but d’intimider, d’épuiser et de faire taire tout journaliste. Le SNJ les condamne avec fermeté. Ces exemples récents démontrent l’urgence à doter les journalistes de nouveaux droits en France afin de leur permettre d’exercer leur mission sans être inquiétés.

Promesses du candidat Macron, les Etats généraux du droit à l’information devaient permettre de réunir la profession. Annoncées en novembre 2022, puis en décembre 2022, puis en janvier 2023, ces rencontres ne sont plus à l’ordre du jour. Aucun calendrier n'est plus communiqué par le ministère de la Culture, qui rase les murs. Pourquoi ce qui était une urgence pour le candidat Macron en mai 2022 ne l’est plus pour le président Macron en mars 2023 ?

Pourtant, il y a urgence à mettre en place une série de mesures visant à protéger le journaliste des pressions d’où qu’elles viennent, comme il y a urgence à mettre fin aux procédures-bâillons qui épuisent le journaliste en ayant recours à des tribunaux de commerce pour des délits de presse.

En cette journée mondiale de la liberté de la presse, la France, malgré les beaux discours, n’a toujours pas ratifié la convention de la fédération internationale des journalistes contre l’impunité et pour la sécurité des journalistes. C’est une anomalie que le président Macron serait bien inspiré de corriger.

En cette journée mondiale de la liberté de la presse, nos pensées vont également aux reporters de guerre qui sont tombés en Ukraine. Cela va bientôt faire un an que le journaliste Frédéric Leclerc-Imhoff a été tué en reportage en Ukraine. Agé de 32 ans, ce journaliste reporter d'images travaillait pour la rédaction de BFMTV en tant que pigiste. Envoyé spécial en Ukraine sous contrat CDD, il effectuait un reportage dans la région de Severodonetsk quand il a été mortellement touché par un éclat d’obus le 30 mai 2022.

En cette journée mondiale de la liberté de la presse, nous saluons la libération de notre confrère et camarade Olivier Dubois, otage durant près de deux ans au Mali. Olivier Dubois nous fait l’honneur d’être présent parmi nous.

En cette journée mondiale de la liberté de la presse, nous n’oublions pas Ghislaine, Claude et Camille sont morts pour l’information, comme tant d’autres. Et comme pour tant d’autres meurtres de journalistes, leur mort reste à ce jour inexpliquée, leurs auteurs sont en liberté.

En cette journée mondiale de la liberté de la presse, le SNJ appelle le président Macron à tout mettre en œuvre pour protéger les journalistes en les dotant de nouveaux droits pour que le que le journaliste continue à être le chien de garde de nos démocraties.

Vive le journalisme !
Vive la liberté de la presse !
 

Photo SNJ
Paris, le 03 Mai 2023

accès pour tous