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Communiqués de presse

Un patron de presse nommé ministre

La paille, la poutre et l’indépendance


Il ne faut donc désespérer de rien. Le Syndicat national des journalistes tient à saluer cet éclair de lucidité qui a poussé Jean-Michel Baylet, le président du Parti Radical de Gauche (PRG) nommé ministre vendredi dernier, à abandonner son poste de président-directeur-général de La Dépêche du Midi, pour couper court aux accusations de mélange des genres ayant immédiatement germé chez les observateurs les plus facétieux.

Les salariés, et en particulier les journalistes du groupe, savent mieux que quiconque combien ce patron de presse rechigne à pratiquer lui-même l’interventionnisme éditorial, laissant toute latitude en la matière à une hiérarchie abondante, triée sur le volet et bien formée. Alors que le groupe de presse régionale se retrouve en situation de quasi-monopole sur tout le Sud-Ouest depuis juin dernier et la prise de participation ultra-majoritaire du groupe La Dépêche dans les Journaux du Midi, nul esprit retors ne saurait imaginer que cette nomination puisse servir politiquement la majorité gouvernementale dans cette région.

Mélange des genres ? Pas plus que lorsque le patron d’un grand groupe de presse régionale se présente à la primaire de la gauche dans le but de négocier un maroquin pour son parti. Mélange des genres ? Pas plus que lorsque le patron de ce même groupe de presse, passe des marchés avec les collectivités territoriales où des élus PRG occupent des postes à responsabilités.

Il faudrait être mesquin, par ailleurs, pour ne pas reconnaître les qualités entrepreneuriales de ce dirigeant d’entreprise habile dans la captation des aides publiques (3,4 millions d’euros en 2014 pour le groupe Dépêche), et la création de richesses : avant de perdre son mandat de sénateur fin 2014, Jean-Michel Baylet était le parlementaire ayant les revenus salariés les plus élevés de France (juste avant Serge Dassault).

Ce faisant, qui pourrait contester que le nouveau ministre n’est pas parfaitement en ligne avec les politiques d’austérité gouvernementales ? A la Dépêche, les plans de restrictions successifs réalisés ou programmés auront conduit, d’ici 2018, le groupe élargi désormais au groupe Midi Libre, à la destruction de 600 emplois en huit ans. Parmi eux, sur les seuls treize derniers mois, ce sont plus de 80 postes de journalistes en CDI qui ont été supprimés, pour financer une politique d’expansion qui ressemble un peu à une fuite en avant…

Le projet éditorial qui manquait à ces titres est tout trouvé : gloire au P-dg ministre Baylet ! Heureusement, l’honneur est sauf, puisque JMB, grand seigneur, a décidé de céder sa place à son ex-épouse, Marie-France Marchand-Baylet, présidente du comité financier du groupe et de la Fondation La Dépêche, également compagne de Laurent Fabius à la ville. Rien ne l’y obligeait, mais au moins, ça ne sort pas vraiment de la famille.

A l’heure où ce gouvernement travaille sur une proposition de loi « dite anti-Bolloré », destinée à garantir l’indépendance des médias, le SNJ, première organisation de la profession, met en garde les parlementaires qui seraient tentés de ne voir que la paille dans l’œil du voisin sans voir la poutre qu’ils ont dans le leur !

Il y a urgence à doter la profession –et pas seulement l’audiovisuel– des outils permettant de préserver pluralisme, indépendance des médias et éthique journalistique. Le CSA, instance administrative dont les membres sont nommés par le pouvoir politique, ne peut jouer ce rôle. Le milliard d’euros d’aides publiques annuelles distribué sans contrepartie peut servir de levier à la régulation du secteur, qui doit rester une prérogative de la profession, dans toutes ses composantes, dans l’intérêt d’une information de qualité au service du citoyen.
 

Paris, le 16 Février 2016

Thèmes : Indépendance

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