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Communiqués de presse

Contre tribune

Liberté d’informer : oui, mais pas à la place des journalistes


Dans une tribune publiée les 26 et 27 mars dans l’ensemble des titres de la presse quotidienne régionale et nationale, « l’Alliance de la presse d’information générale », qui regroupe près de 300 patrons et directeurs de rédactions de presse écrite, appelle à une « prise de conscience collective », un mois après l’agression du photojournaliste de L’Union / L’Ardennais Christian Lantenois, gravement blessé lors d’un reportage à Reims.

Au-delà de l’instrumentalisation du drame, contre la volonté de la famille, ces éditeurs clament dans leurs propres médias leur volonté d’ouvrir un « débat de société », en mettant en avant, ce qui est ressenti comme une véritable imposture, le hashtag #JeSuisJournaliste.

Les mêmes ne se sont pas souvent donné la peine d’ouvrir ce débat dans leurs propres entreprises, et dans leurs rédactions. Au nom de la lutte contre l’impunité, et au nom des journalistes, mais sans leur avoir demandé leur avis, ils évoquent un durcissement des peines pour les agresseurs. Soit une loi répressive de plus, pas forcément susceptible d’arranger les relations entre la population et les journalistes, qui seraient assimilés alors par la loi à des représentants de l’autorité.
 

Garantir, protéger et prévenir plutôt que punir

Du point de vue de l’efficacité de ce type de mesures, qui pourrait prétendre que l’aggravation des peines encourues par les agresseurs de personnels « en charge d’une mission de service public » a permis de diminuer les agressions, par exemple, de chauffeurs de bus ?

Dans le même temps, quelles sont les dispositions prises, par les directions des rédactions, pour protéger réellement les reporters ? Il est question d’impunité, mais combien de plaintes déposées ?

Qu’ont fait les patrons de presse, depuis trois ans, alors que plus de 200 journalistes ont été empêchés d’exercer par les forces de l’ordre, dans un état d’esprit annonciateur de la loi Sécurité globale ?

Qu’ont-ils fait contre les différents textes liberticides qui mettent en péril l’exercice de la profession de journaliste ?

Des éditeurs qui, dans un même élan, vilipendent les réseaux sociaux, et pointent la responsabilité des plateformes dans la propagation de la haine en ligne, quand eux-mêmes ont abandonné à la sous-traitance la modération des commentaires sur leurs propres supports. Enfin, ils réclament la « mise en place d’une politique structurée d’éducation aux médias », entendez par là un « énième appel » à un financement public, alors que la plupart d’entre eux ont sabordé depuis longtemps l’idée d’accueillir seulement trois stagiaires de 3e dans de bonnes conditions, c’est-à-dire en s’en donnant les moyens.
 

Des rédactions exsangues

« Protégeons la liberté d’information », c’est le titre de cette tribune des patrons de presse. Mais de quelle liberté parle-t-on, alors que tous les mois, d’un plan social à l’autre, des postes de journalistes sont supprimés –et que dire des effectifs de photojournalistes–, alors que les rédactions n’ont jamais été autant précarisées, pressurées par la polyvalence et la multiplication des tâches ?
 

Que dire des groupes qui, cyniquement, assument faire appel à des producteurs de contenus à la place des journalistes, poussés dehors par des projets « éditoriaux » plus près de la publicité et/ou de la propagande que de la mission d’informer ? Science et Vie en est le dernier exemple tragique.

 

De quelle liberté parle-t-on, quand les directeurs de publication s’expriment au nom des journalistes, et font porter par les rédactions des choix éditoriaux qui ne sont pas les leurs ? Récemment à La Dépêche du Midi, au Parisien / Aujourd’hui en France, à Ouest France ou à Paris-Match, des rédactions et leurs représentants se sont élevés contre cette confiscation de la ligne éditoriale par les éditeurs, porte-voix de leurs actionnaires. 

 

Première organisation de la profession, le Syndicat national des journalistes revendique un statut juridique pour les équipes rédactionnelles, qui doit garantir une étanchéité totale entre les rédactions et leurs actionnaires. Des propositions de loi ont été déposées en ce sens, qu’attend-on pour en débattre ?

Pour créer les conditions d’un véritable débat démocratique, le SNJ demande que cette tribune paraisse partout en réponse à celle des éditeurs.

 

 

Emmanuel POUPARD

Premier secrétaire général du SNJ

Antoine CHUZEVILLE

Myriam GUILLEMAUD-SILENKO

Vincent LANIER

Dominique PRADALIE

Secrétaires généraux

 

Document(s) joint(s) : PDF icon TRIBUNE SNJ LIBERTE D'INFORMER v2.pdf
Paris, le 05 Avril 2021

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