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Communiqués de presse

[TRIBUNE]

Réfugiés afghans: la France doit honorer sa promesse


Le Syndicat national des journalistes, première organisation de la profession en France, engagé depuis un an dans la défense et le soutien des journalistes en Afghanistan, a rédigé une tribune qui est parue dans Libération le 15 août 2022.



Ce 15 août est un triste anniversaire : voilà tout juste un an, les talibans prenaient Kaboul, après le départ des Etats-Unis, et avant eux le départ des autres pays occidentaux, qui ont abandonné à leur sort les populations afghanes et ceux qui leur avaient fait confiance.

Peu avare de promesses, le président français Emmanuel Macron avait alors assuré le soutien actif et l’engagement de la France aux côtés de tous les Afghans, et en particulier des cibles privilégiées de l’obscurantisme meurtrier des nouveaux maîtres du pays. « De nombreux afghans, défenseurs des droits, artistes, journalistes, militants, sont aujourd’hui menacés en raison de leur engagement. Nous les aiderons parce que c’est l’honneur de la France d’être aux côtés de celles et ceux qui partagent nos valeurs, autant que nous pourrons le faire…», déclarait-il le 16 août 2021.

Certes, la France s’est acquittée de ses devoirs pour rapatrier ses ressortissants installés dans le pays, et dans une moindre mesure des Afghans qui lui apportaient leur aide professionnelle (cas des interprètes afghans oubliés, blocage des regroupements et réunifications familiaux, etc.). Mais qu’en est-il de tous les autres, de ces cibles privilégiées citées par Emmanuel Macron, notamment des femmes privées d’éducation, de travail, renvoyées à un odieux statut d’infériorité ?

L’exemple des journalistes constitue une illustration criante. Le SNJ, à lui seul, recense plus d’un millier de journalistes professionnels afghans menacés, pourchassés, parfois battus, emprisonnés, contraints à la clandestinité, qui souhaitant quitter leur pays, ont engagé les démarches nécessaires pour obtenir un visa et l’asile en France, conformément aux promesses faites, ou dans d’autres pays européens.

D’autres syndicats, d’autres ONG ont aussi des listes d’avocats, d’artistes, de juges ou encore de défenseurs des droits humains, tous et toutes menacés par les talibans. Or après un an et des échanges réguliers avec le ministère des Affaires étrangères, et à travers lui avec les ambassades de France dans les pays limitrophes d’Afghanistan où beaucoup se sont réfugiés, à peine quelques dizaines de confrères et consœurs afghans ont pu obtenir un visa pour la France, avec l’aide du SNJ, et entamer leur demande d’asile. Les évacuations depuis l’Afghanistan ont cessé fin 2021. Depuis, plus rien. La seule solution pour les Afghans est donc de fuir leur pays pour rejoindre un Etat frontalier. Mais au Pakistan et en Iran, qui accueillent la majorité des réfugiés afghans, les visas pour la France sont délivrés au compte-gouttes.

Privés du droit de travailler, donc de tout moyen de survie, sans possibilité d’hébergement, leur maigre pécule s’épuise rapidement, et après quelques mois, beaucoup se retrouvent à la rue, souvent avec famille et enfants, avec leurs visas iranien ou pakistanais expirés, et dans l’attente – pour certains depuis plus de six ou huit mois – d’un visa français de plus en plus hypothétique. Une fois ce visa obtenu, ils ne sont pas évacués mais doivent encore acheter des billets d’avion et trouver un logement.

Oui, il y a un travail minutieux et complexe à effectuer avant de délivrer des visas. Et oui, il y a de véritables bonnes volontés, et au ministère des Affaires étrangères, et dans certaines de nos ambassades, des diplomates que nous remercions pour leur travail assidu, leur empathie et leur professionnalisme. Mais ces comportements individuels ne peuvent masquer l’inertie au vu des engagements pris, l’extrême lenteur des réponses apportées par la France à une population en détresse absolue.

Un an après la chute de Kaboul, le SNJ tient à rappeler solennellement au Président et au gouvernement français leurs devoirs de solidarité, conformément au droit international et aux promesses faites. Il appelle à relancer, si possible, des négociations en vue d’évacuations depuis l’Afghanistan, à accélérer le processus de regroupement et de réunification familiaux et la délivrance de visas par les ambassades françaises à tous les afghans menacés par les talibans et à assumer la prise en charge des coûts du transport aérien et d’hébergement quand la situation l’exige.

« Il nous faut continuer de défendre nos principes, nos valeurs, qui font ce que nous sommes. […]. Nous resterons, fraternellement, aux côtés des Afghanes et des Afghans. En soutenant la société civile afghane et en faisant notre devoir de protection de celles et ceux que nous pouvons protéger », déclarait voici un an le président Macron. De belles paroles… qui doivent être suivies d’actes.

 
 
 
 
RAPPEL : la Fédération internationale des journalistes (FIJ), dont le SNJ est membre fondateur, appelle à verser des fonds en soutien aux journalistes afghans en cliquant ici.
 
Paris, le 16 Août 2022

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