Formulaire de recherche


SNJ - 33 rue du Louvre - Paris 75002 - 01 42 36 84 23 - snj@snj.fr - Horaires


LE SYNDICAT

Elections 2007 : le SNJ interpelle les politiques

Journalistes et documents administratifs

Pour un libre accès des journalistes aux documents administratifs

1. La législation actuelle est inadaptée

1.1 Une ambition louable, mais modeste

Le souci de transparence qui a présidé à l’élaboration de la loi du 17 juillet 1978 et à son aménagement le 12 avril 2000 est à saluer. Mais les lacunes de cette loi sont nombreuses et étonnantes : les documents des assemblées parlementaires sont exclus (pourquoi ?) du champ de cette loi, ainsi que les documents préparatoires aux décisions, les documents faisant par ailleurs l’objet d’une publication également, enfin, la notion d’exception à la règle de communication est trop large et imprécise pour garantir dans les faits la transparence administrative voulue par le législateur.

Par ailleurs, au lieu de poser le principe de gratuité de la communication, sauf cas de documents volumineux, c’est au contraire le principe de la communication payante sur la base d’un tarif ancien et exagéré qui est la règle. La loi ne prend pas en compte les moyens moderne de transmission que sont le fax et le courrier électronique (copies au format pdf en pièce jointe, par exemple). De même, les demandes des particuliers ou des entreprises doivent être formulées par lettre recommandées au lieu de prévoir des formulaires en-ligne adaptés sur les sites des administrations. En dépit du fait que la loi a été révisée récemment, elle continue de placer la France très en retard, tant sur le plan des principes que sur le plan de la modernité technologique par rapport à d’autres pays (nordiques notamment) voire aux institutions européennes.

1.2 Une administration qui ne joue pas toujours le jeu

Le refus par un fonctionnaire de communiquer un document réputé non secret n’est pas une faute passible de sanctions. Par conséquent, la tendance naturelle des administrations sera de considérer comme non communicable tout ce qui n’est pas expressément déclaré public, ce qui renverse complètement la logique prônée par les législateurs de 1978 et 2000. Le plus souvent, le refus n’est pas exprimé. Il se manifeste par l’absence de réponse à la demande. L’obligation de réponse sous délai (favorable ou défavorable) devrait être une exigence légale dont le défaut d’observation serait passible de sanctions.

1.3 des mécanismes correctifs non contraignants et trop lents

L’avis de la CADA n’est que consultatif. Face à une administration qui persiste dans son refus, il faut recourir à la justice administrative. Les délais cumulés aboutissent à une réelle opacité, même dans le meilleur des cas :

* Si la CADA rend un avis positif suivi d’effet, la communication du document demandé n’interviendra pas, au mieux, avant trois mois.

* Si l’administration concernée persiste dans son silence, il faut également attendre trois mois pour saisir le tribunal administratif. Dès lors, le délai est fonction de la rapidité de la justice administrative et d’un éventuel appel en Conseil d’État, ce qui peut porter le délai total à une année, voire davantage avant que l’administration concernée soit contrainte par la justice administrative de communiquer le document. En 1992, le Conseil d’État d’ailleurs a rejeté une demande comme abusive, sans apporter de justification qui emporte la conviction.

Cette longueur est de nature à léser gravement les intérêts des particuliers, comme de la collectivité, des décisions irréversibles ayant pu être prises dans l’intervalle sur la base des documents gardés secrets.

2. Les exigences de transparence de la société se sont renforcées depuis les années soixante-dix

2.1 dans la société française

Toutes les évolutions actuelles de la société française vont dans le sens d’un désir de transparence accrue de la société française dans son ensemble : réforme du droit à l’information des enfants nés sous X, débat sur la vérité médicale que doit le médecin à son patient, circulaire en date du 13 avril 2001 du premier ministre sur l’ouverture des archives liées à la guerre d’Algérie en sont quelques exemples.

De même, après des décennies où les tribunaux avaient tendance à mettre à mal le droit à l’information au profit exclusif du droit à la protection de la vie privée, des jurisprudences nombreuses et récentes, allant toutes dans le sens d’un rééquilibrage, s’efforcent désormais de mettre en balance les deux principes fondamentaux en insistant sur la contribution à la démocratie que représente (ou non) la divulgation d’informations attentatoires à la vie privée mais qui peuvent s’avérer nécessaire à l’information de la société dans son ensemble. De ce point de vue, les jugements rendus par la Cour européenne des droits de l’Homme (arrêts Goodwin en 1996 et Fressoz en 1999) ont constitué des étapes majeures. L’interprétation de l’article 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme par la Cour européenne des droits de l’Homme a essaimé en France dans les interprétations jurisprudentielles de la Cour de Cassation, des cours d’appel et désormais, des instances du premier degré.

2.2 au niveau européen

L’article 10 de la Convention européenne est donc le socle sur lequel appuyer la demande de transparence administrative. Il n’est pas le seul. L’article 19 de la Déclaration universelle des droits de l’Homme, repris dans l’article 19 du Pacte relatif aux droits civils et politiques de 1966 qui, en tant que traité international, est un texte de norme supérieure à la loi française, en est un autre.

Des principes fondamentaux sont proclamés par plusieurs textes européens pour fonder l’accès sans entrave aux documents administratifs : « permettre aux personnes physiques et morales d’avoir la possibilité de surveiller le fonctionnement des institutions et d’influer sur celui-ci », peut-on notamment lire dans l’article premier de l’avis adopté le 3 mai 2001 par le Parlement européen.

L’obligation de transparence prévue par le traité de Maastricht (article 6 et annexe n° 17) et le Traité d’Amsterdam (art 255) ne s’applique certes qu’aux institutions européennes, ainsi que l’avis rendu le 3 mai 2001 sur « l’accès du public aux documents du Parlement, du Conseil et de la Commission ». Mais d’utiles enseignements pourraient en être tirés et transposés à l’échelon national. De même, les articles 41 ("droit à une bonne administration") et 42 ("droit d’accès aux documents") de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne posent le principe de l’accès aux documents administratifs. Bien que cette Charte n’ait pas encore été ratifiée et que le flou ait été maintenu sur le caractère contraignant de ses dispositions pour les États membres, il ne fait pas de doute que ce texte va devenir graduellement un texte de référence pour les juridictions nationales des pays signataires. La France ne passe pas, au niveau européenne, pour être à la pointe du combat pour la transparence. La société française peut alors s’appuyer sur les exemples étrangers (européens ou autres) pour améliorer son propre fonctionnement.

3. Des exemples étrangers fonctionnent

3.1 Le Freedom of information act (FIA)

Le FIA, adopté en 1966 par le Congrès des États-Unis (et adapté en 1996 aux documents électroniques), s’il n’est pas le premier texte du genre, est certainement celui qui a connu la plus grande notoriété et l’utilisation la plus intense. Sa longue pratique permet d’affirmer que cette loi fonctionne, que les citoyens et les personnes morales (entreprises, instituts, associations) n’hésitent pas à y recourir, que l’administration joue le jeu, et que lorsque tel n’est pas le cas, le refus de communication est immanquablement sanctionné par la justice américaine. Il ne fait pas de doute que le FIA a considérablement contribué à améliorer le fonctionnement démocratique des institutions américaines et à limiter les abus du pouvoir exécutif (Watergate, CIA, etc.). Mais au-delà des grandes affaires médiatisées, c’est principalement la banalisation du droit pour chacun, quelle que soit sa fonction dans la sphère publique ou privée, d’accéder à des documents produits par une administration considérée comme au service du citoyen (et non l’inverse) que le FAI a mis en lumière. Il y aurait, pour les Français, une arrogance injustifiée à ne pas y regarder de plus près sous le prétexte que la culture juridique américaine diffère de la nôtre.

3.2 L’exemple suédois

Dans ce domaine, comme souvent, les précurseurs se trouvent parmi les pays scandinaves. La première loi suédoise sur l’accès aux documents administratifs remonte à... 1766 et la transparence de l’administration a été inscrite dans la constitution suédoise en 1809. La Finlande, à son tour, a adopté semblable législation en 1951. Ces lois fonctionnent à la satisfaction de tous, n’ont pas compromis le bon fonctionnement des États suédois et finlandais et ont certainement contribué à rapprocher les citoyens de ces deux pays de leur administration. La loi suédoise, à ce jour, demeure l’exemple le plus avancé en matière de transparence administrative. Les exceptions à la transparence y sont limitativement énoncées et dans leur interprétation de la législation, les tribunaux suédois accordent une grande importance aux travaux préparatoires du parlement. Les textes suédois délimitent de manière extrêmement détaillée les modalités d’accès en établissant une présomption de transparence, à charge pour l’administration de renverser la présomption. Tout citoyen suédois peut demander au bureau du premier ministre copie de la correspondance officielle de celui-ci ! Les demandes d’information doivent recevoir une réponse le jour suivant, sauf circonstances particulières. Outre la juridiction administrative, le Médiateur (Ombudsman) est habilité à trancher les litiges relatifs à l’accès.

En conclusion

Il y a urgence à trouver un remède aux carences constatées en matière de transparence des documents administratifs. les futurs dirigeants de notre pays, qui sortiront des élections du printemps 2007, doivent s’inspirer des bons exemples extérieurs et s’attacher à faire évoluer la législation. C’est une demande forte que le SNJ a déjà exprimée. Et qu’il exprime toujours !

le 01 Mars 2007

accès pour tous