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Pigistes, Accords

Un mauvais protocole national

Le protocole annoté par le SNJ

Le « protocole d’étape » sur les journalistes pigistes (1) est un mauvais accord. Le texte que les fédérations patronales tentent d’imposer n’est pas le fruit de négociations loyales, mais le reflet de leur volonté de couper l’herbe sous le pied des journalistes pigistes soucieux de défendre, y compris en justice, l’intégralité de leurs droits légaux et conventionnels.

Les très modestes améliorations et éléments positifs obtenus au fil de la négociation ne contrebalancent certainement pas les reculs réels auxquels aboutira ce texte. D’ailleurs s’il était acceptable, pourquoi les fédérations patronales continueraient-elles d’exercer ce chantage : « Nous ne signerons pas l’accord sur la formation des journalistes pigistes (2) si vous ne signez pas celui-ci » ?

C’est l’application pleine et entière de toutes les dispositions de la convention collective et du code du travail à tous les pigistes qu’il faut obtenir, pas un texte en recul sur la loi, qui cautionne et généralise les entorses que se permettent certains employeurs.

Vous trouverez ci-dessous une lecture critique du texte réalisée par le pôle pigistes du Syndicat national des journalistes. Le SNJ invite tous les journalistes, pigistes ou pas, à manifester leur refus de ce « protocole d’étape » en signant la pétition.

Brader les droits des pigistes, c’est non seulement laisser commettre une formidable injustice, mais c’est aussi fragiliser le statut de tous les journalistes en créant les conditions d’un véritable dumping social, pour le plus grand profit des patrons de presse.

  1. Il s’agit en fait du projet d’accord que l’intersyndicale des journalistes avait unanimement rejeté pendant l’été et que, ainsi rebaptisé, trois syndicats minoritaires de journalistes (CFDT, CFTC, CGC) ont cru bon de signer. Les autres organisations (SNJ, CGT, FO) ont logiquement engagé une procédure d’opposition contre ce texte, dans lequel un seul mot a été changé.
  2. Les dispositions prévues par cet accord sur la formation, signé par les six syndicats de journalistes, ont pourtant reçu l’agrément des patrons.

Protocole d’étape concernant les journalistes

professionnels rémunérés à la pige

Préambule

Les organisations professionnelles de presse écrite et d’agences, et les syndicats de journalistes expriment leur volonté de clarifier pour l’avenir les implications de la loi du 4 juillet 1974, dite « Loi Cressard », sur les conditions de collaboration à l’entreprise de presse des journalistes professionnels rémunérés à la pige, et sur les modalités d’application à cette catégorie de personnel des avantages collectifs issus de la Convention Collective Nationale de Travail des Journalistes Professionnels et du Code du Travail.

L’article L.761-2 du Code du travail établit une présomption simple de contrat de travail pour toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel. Le journaliste professionnel rémunéré à la pige relève par conséquent des dispositions du Code du travail, ainsi que le prévoit expressément l’article L 761.1 de ce code, et des dispositions de la Convention Collective Nationale de Travail des Journalistes.

Compte tenu des difficultés constatées pour résoudre les questions soulevées par une référence simple aux textes normatifs et à la jurisprudence, et de la nécessité d’unifier au niveau de la branche les pratiques des entreprises, les parties à la négociation sont convenues de mettre en place des règles d’application des droits pour les pigistes dans certains domaines.

Les fédérations patronales invoquent des « difficultés » pour marquer leurs réticences à reconnaître les journalistes pigistes comme des salariés à part entière, bénéficiant des droits issus du code du travail et de la convention collective des journalistes.

Pourtant, de nombreuses entreprises appliquent la CCNTJ et le code sans rechigner dès que les journalistes pigistes montrent qu’ils les connaissent. Les seules « difficultés » sont celles éprouvées par les employeurs qui refusent de se comporter correctement.

Parmi les manquements les plus courants observés jusqu’ici, figurent l’absence de congés payés et de 13e mois, le refus de verser le complément de salaire en cas de congé maladie ou maternité, l’absence de participation, le refus de prise en compte de l’ancienneté dans l’entreprise et dans la profession, le refus d’accès aux services du comité d’entreprise, le refus de signer les autorisations d’absence pour la formation. Refus également de négocier des barèmes de piges dans la plupart des formes de presse.

Les présentes dispositions concernent les seuls journalistes professionnels au sens de l’article L. 761-2 du Code du Travail et titulaires de la carte d’identité des Journalistes Professionnel, rémunérés à la pige, ci-après désignés les « pigistes ».

Après la signature de l’accord, et dans un délai de six mois, la commission de suivi prévue à l’article 12 du présent accord, examinera le cas des journalistes professionnels rémunérés à la pige et non détenteurs de la carte de presse.

Que les fédérations patronales veuillent limiter l’application de la convention collective aux seuls journalistes professionnels est acceptable. Mais la référence à la possession de la carte de presse est abusive. Est journaliste professionnel celui qui exerce effectivement ce métier et en tire le principal de ses ressources, affirme le Conseil d’État.

Par ailleurs, le risque est grand de voir surgir de la commission de suivi, si elle est jamais réunie, la création ou l’institutionnalisation d’une nouvelle classe de sous-journalistes pigistes bénéficiant de moins de droits encore que les journalistes pigistes titulaires de la carte de presse.

Sur le long terme, et compte tenu des habitudes des entreprises de presse (refus de payer en salaire pour absence de carte de presse), l’accès à la carte risque d’être encore plus compliqué pour les jeunes journalistes pigistes rejoignant le métier, qui ne pourraient donc pas bénéficier de la protection de la convention collective.

Sont exclus du bénéfice du présent accord les journalistes pour lesquels la pige est le complément d’un contrat à durée indéterminée à temps complet.

Le présent accord précise les règles d’application à ces pigistes des dispositions de cette convention collective et du code du travail pour les domaines suivants :

- Coefficient de référence
- Prime d’ancienneté
- Registre unique du personnel
- Indemnisations Assedic
- Prévoyance
- Médecine du travail
- Elections professionnelles
- Prise en compte des pigistes dans le calcul des seuils d’effectifs
- Rappel des règles de paiement du treizième mois et des congés payés

La Convention Collective Nationale de Travail des Journalistes sous l’intitulé « Interprétation » précise : le « journaliste professionnel employé à titre occasionnel désigne le journaliste salarié qui n’est pas tenu de consacrer une partie déterminée de son temps à l’entreprise de presse à laquelle il collabore, mais n’a pour obligation que de fournir une production convenue dans les formes et dans les délais prévus par l’employeur. »

La citation exacte est : « L’expression "journaliste employé à titre occasionnel" désigne le journaliste salarié qui n’est pas tenu de consacrer une partie déterminée de son temps à l’entreprise de presse à laquelle il collabore, mais n’a pour obligation que de fournir une production convenue dans les formes et les délais prévus par l’employeur. »

I - « Coefficient de référence »

Les collaborations qui font référence à un temps de travail (à la journée, à la semaine...) sont hors champ d’application de cette disposition, puisque, pour elles, un calcul au prorata du temps de travail est possible.

Compte tenu de cette absence de référence au temps de travail, les parties sont expressément convenues, pour la détermination de certains droits effectifs du pigiste, de mettre en place un système d’équivalence fondé sur un « coefficient de référence » et sur la fréquence des piges.

Tout journaliste ayant un temps de travail mesurable et contraint à une présence sur place, notamment les secrétaires de rédaction, doit être embauché avec un contrant mentionnant ses horaires.

Si l’entreprise s’entête à le rémunérer à la pige, il doit au moins bénéficier de cet accord. Sinon, on laisse de nombreux journalistes pigistes dans une zone de non droit. Ni les droits des permanents, ni ceux des pigistes.

Coefficient de référence = « y » =

Montant total des piges perçues sur la dernière année civile, y compris le treizième mois et congés payés / Minimum mensuel Rédacteur du barème dans l’entreprise ou, à défaut dans la forme de presse considérée de la même période de référence x 13.

Les entreprises doivent veiller à la cohérence entre le numérateur et le dénominateur de la précédente formule (barème d’entreprise lorsqu’il existe ou, à défaut, barème conventionnel de branche)

Ce coefficient de référence est plafonné à 1.

Ce plafonnement à 1 par rapport à un salaire minimum ramène la totalité des journalistes pigistes, quelles que soient leurs compétences, à une qualification de rédacteur débutant. Même si le journaliste pigiste assume des fonctions de grand reporter !

Selon les sujets traités dans le présent accord, le coefficient de référence s’apprécie au mois ou à l’année.

II - Prime d’ancienneté

Compte tenu de l’impossibilité de justifier un temps de présence (au sens des articles 23 et 24 de la Convention Collective) notamment dans un contexte de collaborations du pigiste à plusieurs entreprises, et pour simplifier les calculs, il est admis de façon dérogatoire de prendre en considération la durée de détention effective de la carte professionnelle afin de déterminer une notion globale d’ancienneté, sans que ceci ne remette en cause la présomption simple de salariat.

Le pourcentage d’ancienneté est assis, à défaut de barèmes de piges spécifiques existant dans la forme de presse considérée, sur une base déterminée par le « coefficient de référence » ou la valeur « y » (tel que défini à l’article I ci-dessus) appliqué au minima du barème rédacteur mensuel temps plein.

La formulation donne à penser que l’on ne saurait pas apprécier une ancienneté entreprise pour un journaliste pigiste. Alors que des entreprises le font sans aucune difficulté, en prenant comme référence la date du premier salaire versé.

Le cumul des deux anciennetés - entreprise et profession - paraît plus favorable, mais n’est pas conforme à l’article 23 de la convention collective.

L’absence de barèmes de piges (hors presse quotidienne nationale et presse hebdomadaire d’opinion) relève de la seule responsabilité des organisations patronales qui, soit refusent de les négocier contrairement à l’engagement pris dans le texte même de la convention collective, soit proposent des tarifs indécents. En justice, les journalistes pigistes obtiennent souvent le paiement de leur prime d’ancienneté sur leurs salaires réels. Plusieurs arrêts de la Cour de cassation vont en ce sens.

Cette reconnaissance du droit à une prime d’ancienneté aurait pu toutefois être jugé acceptable si le chef de la délégation patronale n’avait révélé ses véritables intentions : imputer cette prime sur le prétendu « sursalaire » qu’est supposé toucher tout pigiste payé au dessus des barèmes existants ou du tarif le plus bas appliqué dans l’entreprise.

Par un effet de glissement, cette disposition, à première vue positive, peut donc se traduire par un « rognage » progressif de la prime. Ainsi, un pigiste de presse quotidienne nationale ayant 10 ans d’ancienneté, payé 80 ? le feuillet - alors que le barème est de 63,35 ? - pourrait voir sa prime de 6,33 ? par feuillet être absorbée dans le tarif appliqué, et le salaire ne pas bouger.

Les journalistes pigistes connaissent la musique avec les congés payés et le 13e mois intégrés dans le tarif annoncé au lieu d’être payés en plus. A noter qu’au cours de la négociation, la partie patronale a, un temps, accepté de préciser que la prime d’ancienneté viendrait en complément du salaire convenu. Avant de se rétracter dans la rédaction de la version finale du projet d’accord.

Exemples de calcul de prime d’ancienneté

Calcul prime d’ancienneté en l’absence de barème de piges

- Pour un montant mensuel de piges de 920

Barème rédacteur : 1300

Coefficient de référence : 0,71 (soit 920/1300)

 ? Base prime d’ancienneté : 920 (coeff*barème)

- Pour un montant mensuel de piges de 2 000 ?

Barème rédacteur : 1300

Coefficient de référence : 1 (application du plafond)

 ? Base prime d’ancienneté : 1300 (coeff*barème)

Calcul prime d’ancienneté avec un barème de piges à 50 ? le feuillet

25 feuillets dans le mois pour un montant total de 2000 ?

 ? Base prime d’ancienneté : 1250 ? (prix feuillet barème*nb de feuillets)

Les barèmes minima, lorsqu’ils existent, ou, à défaut, la base, telle que déterminée ci-dessus, seront majorés du paiement de la prime d’ancienneté aux taux suivants :

- 5% pour 5 années de détention effective de la carte de presse
- 10% pour 10 années de détention effective de la carte de presse
- 15% pour 15 années de détention effective de la carte de presse
- 20% pour 20 années de détention effective de la carte de presse

Les journalistes rémunérés à la pige travaillant majoritairement pour plusieurs entreprises, il est convenu que les taux d’ancienneté seront calculés en fonction de la durée de détention de la carte d’identité professionnelle.

La prime d’ancienneté doit apparaître de façon distincte sur le bulletin de pige.

Des accords d’entreprise peuvent maintenir ou prévoir des modalités différentes dès lors que la rémunération globale versée est au moins égale à ce qui résulterait de l’application du dispositif prévu ci-dessus.

Il appartient au pigiste d’apporter tout élément justificatif de son attribution de carte de presse.

On remarquera ici que le journaliste pigiste verra toujours son ancienneté calculée sur le salaire correspondant à la qualification la plus basse de la branche. Ce qui revient à dire que le journaliste pigiste, même doté de 20 ans d’expérience, sera toujours considéré comme un journaliste tout juste titularisé.

Avec l’application du coefficient de référence, le journaliste pigiste ne bénéficiera de l’ancienneté que sur une fraction de son salaire. Fraction d’autant moins importante que le tarif du feuillet sera bas. Et cela, même si les journalistes « en pied » dans la même entreprise voient appliquer leur prime d’ancienneté sur leur salaire réel.

Exemple avec le barème rédacteur à 1300 ?. Pour 1100 ? de salaire, le coefficient (1100/1300) est de 0,85. La base de calcul de l’ancienneté est alors de 1100 x 0,85 = 935 ?. Pour 20 ans d’ancienneté, le journaliste pigiste percevra une prime de 187 ? (20 % de 935), soit une perte de 33 ?, par rapport à un calcul sur la totalité du salaire de 1100 ?.

ancienneté avec barême de piges

ancienneté 5 ans

ancienneté 20 ans

pertes pour 100 feuillets 5 ans / 20 ans

feuillet 50 ?

2,5 ?

10 ?

 

feuillet 60 ?

3 ? (perte 0,5 ?)

12 ? (perte 2 ?)

50 ? / 200 ?

feuillet 70 ?

3,5 ? (perte 1 ?)

14 ? (perte 4 ?)

100 ? / 400 ?

feuillet 80 ?

4 ? (perte 1,5 ?)

16 ? (perte 6 ?)

150 ? / 600 ?

En outre, faire porter l’application de l’ancienneté uniquement sur la période de détention de la carte de presse permet aussi, symboliquement, de minorer la place du journaliste pigiste dans la rédaction en refusant de distinguer son ancienneté liée au temps de présence dans l’entreprise.

En outre, escamoter l’ancienneté entreprise conduit symboliquement à gommer l’appartenance du journaliste pigiste à la rédaction. C’est aussi une façon de nier le lien de subordination avec l’entreprise.

III - Registre unique du personnel Les entreprises éditent, dans le respect de la circulaire Carignon de février 1994 (intitulée « Déclaration préalable à l’embauche pour les journalistes rémunérés à la pige »), et à la demande des élus du personnel ou des syndicats de journalistes qui y sont représentés, après l’édition du règlement des bulletins mensuels de piges, et à partir du Système d’Information Ressources Humaines, la liste des journalistes pigistes. Les journalistes rémunérés à la pige y seront mentionnés à chaque collaboration.

Il est important que les journalistes rémunérés à la pige soient inscrits dès leur première collaboration pour prouver leur ancienneté dans l’entreprise.

Si les employeurs tiennent tant à les réinscrire à chaque fois, c’est pour marquer la discontinuité de la relation de travail, et faire glisser progressivement la présomption de contrat de travail vers l’assimilation à une succession de CDD, transformant ainsi les journalistes pigistes en « intermittents ».

La « circulaire Carignon » porte sur la délivrance à chaque journaliste pigiste de la déclaration préalable à l’embauche, une obligation légale qui pèse sur tout employeur pour chaque salarié. Les fédérations patronales citent la circulaire mais ne l’appliquent pas.

Elles font l’amalgame avec une autre obligation légale : l’inscription de chaque salarié, quel que soit son type de contrat, dans le registre unique du personnel. Elles proposent un listing des journalistes pigistes (utile) mais refusent d’inscrire les journalistes pigistes sur ce registre unique où chaque salarié doit être mentionné avec sa date d’entrée.

IV - Indemnisations ASSEDIC

En pratique, des difficultés sont constatées pour faire inscrire les journalistes professionnels rémunérés à la pige au régime d’assurance chômage.

En conséquence, dans les six mois de la signature du présent accord, une commission paritaire spécialement constituée se réunira afin de déterminer paritairement des critères de prise en charge au titre de l’indemnisation chômage, qui seront soumis à l’UNEDIC pour agrément.

Les difficultés d’inscriptions des journalistes rémunérés à la pige sont liées au refus des entreprises de presse de leur délivrer une « feuille jaune », obligatoire pour l’inscription, ou à la mauvaise rédaction de ladite feuille jaune. Ceci découle souvent du refus de ces mêmes entreprises de procéder au licenciement dans les règles des journalistes rémunérés à la pige dont elles souhaitent se séparer. En effet, la directive journalistes du règlement Assedic est parfaitement claire, et ne pose pas de problème d’application, sauf quand les employés de l’Unedic ne la connaissent pas, mais il suffit alors de leur expliquer.

Il est extrêmement dangereux de sortir les journalistes pigistes de la règle générale pour l’indemnisation chômage. Car c’est encore une fois laisser entendre qu’ils ne sont pas des salariés comme les autres, et ouvrir la voie à toutes les régressions. Ce serait une porte entrouverte vers l’exonération future des entreprises de la procédure de licenciement et du versement des indemnités légales qui y sont attachées. N’y a-t-il pas là un début de négation en creux de la Loi Cressard et de la présomption de contrat de travail à durée indéterminée ?

V - Prévoyance : maladie, maternité

Le régime de prévoyance en faveur des pigistes ayant donné lieu à l’accord national du 9 décembre 1975 doit être amélioré dans le cadre de l’équilibre du contrat actuel sur les deux points suivants :

- mise en place d’une allocation pour les pigistes en congé maternité
- diminution de la période de carence pour prise en charge de l’arrêt maladie à partir du 46è jour d’arrêt continu.

Ces dispositions seront prises à titre expérimental et seront réexaminées dans un cadre paritaire à l’issue de la période d’observation qui se terminera fin 2009.

Sur ces questions, toutes les dispositions de la CCNTJ sont applicables par les employeurs, pour peu qu’ils en aient la volonté. En effet, les articles 36 et 42 prévoient très clairement le maintien du salaire en cas de maladie, maternité, accident du travail. Les fédérations patronales contournent cette obligation en proposant unilatéralement une amélioration du régime de prévoyance obligatoire (excédentaire). Avec une allocation maternité non chiffrée (est-ce 20 ? ? 200 ? ? 2000 ? ?) et une ouverture de droits à une indemnité (le plus souvent dérisoire, entre 10 et 33 ? par jour) par le régime de prévoyance pour les journalistes pigistes ayant un arrêt de travail de plus de 45 jours

VI - Médecine du travail Les entreprises adhéreront, dans un cadre de mutualisation, pour les pigistes non couverts par des services médicaux d’entreprise ou inter-entreprises, dans un délai de six mois après la signature du présent accord, au Centre Médical de la Bourse (CMB) et prendront en charge les frais liés aux visites médicales (article R 241-48 et suivants du code du travail) pour les journalistes rémunérés à la pige. Ces derniers devront produire leur certificat d’aptitude sur simple demande de l’entreprise.

Cette proposition de mutualisation est positive puisque les journalistes pigistes sont généralement multi-employeurs. Le Code du travail prévoit que cette visite se déroule sur le temps de travail, mais les fédérations patronales n’ont pas prévu la prise en charge financière du temps consacré à cette visite et aux trajets.

De plus, elles n’ont pas effectué les démarches pour l’agrément du CMB (qui n’est pas le service auquel est rattaché chacune des entreprises employeurs de pigistes) alors que le ministère du Travail leur a signalé que cet agrément était obligatoire dans chaque entreprise.

VII - Elections professionnelles Les modalités de mise en œuvre des dispositions du présent article seront déterminées dans les entreprises dans le cadre des protocoles pré électoraux, qui pourront être plus favorables.

Les dispositions légales ou réglementaires relatives aux élections professionnelles ne précisent pas les modalités d’application aux journalistes rémunérés à la pige. Le Code du travail (notamment articles L 432-7 et L 433-4) détermine les conditions pour être électeur et éligible en se référant à une notion de temps de travail, inapplicable donc en tant que telle aux « pigistes ». Il convient de déterminer des critères permettant d’adapter les dispositions légales.

Le droit de vote des pigistes est régi par le code du travail. Le calcul de l’effectif de l’entreprise et des sièges à pourvoir, par division de la masse salariale des piges par le salaire d’un temps plein, est assez simple.

Les quelques aménagements nécessaires au cas par cas peuvent tout à fait être réglés par le protocole préélectoral sans remettre en cause le cadre légal général. Les dispositions de cet article et du suivant sont beaucoup plus draconiennes que la réglementation actuelle et que beaucoup de protocoles en vigueur dans les entreprises. Elles constituent un vrai recul.

En conséquence, les parties signataires conviennent que l’accès des « pigistes » aux qualités d’électeur et d’éligible, est conditionné aux critères suivants :

Pour être électeur, deux critères cumulatifs :
- Avoir bénéficié d’un minimum de trois bulletins mensuels de piges consécutifs ou non sur les douze derniers mois qui précèdent le mois de l’établissement des listes électorales, dont deux dans les quatre mois précédant la signature du protocole préélectoral (*) (Lorsque le pigiste collabore à une publication trimestrielle, il doit alors avoir collaboré à la dernière parution qui précède l’établissement des listes électorales)
- L’ensemble des bulletins pris en compte ci-dessus devra être au moins équivalent à trois fois le barème rédacteur mensuel en vigueur dans l’entreprise ou, à défaut dans la forme de presse considérée.

Les conditions posées ici auront pour principale conséquence d’écarter un grand nombre de journalistes rémunérés à la pige des processus électoraux, et de réduire à quelques-uns le nombre de journalistes pigistes éligibles.

Par exemple, dans un quotidien régional (barème rédacteur = 1 817,65 ?), le journaliste pigiste, pour être électeur, devra justifier de 5452,95 ? de salaire durant les 12 derniers mois, soit une moyenne de 454,41 ? par mois. Au tarif constaté dans la PQR, soit 35 ? environ, il devra avoir publié 12,98 feuillets par mois ou 155 feuillets sur la période. Dans un périodique spécialisé (barème rédacteur = 1392 ?), le journaliste pigiste, pour être électeur, devra justifier de 4176 ? de salaire durant les douze derniers mois, soit 348 ? par mois. Soit encore, au prix généralement constaté de 45 ? du feuillet, 7,73 feuillets par mois ou 92 feuillets durant la totalité de la période.

Pour être éligible, trois critères cumulatifs :
- Avoir bénéficié d’un minimum de neuf bulletins mensuels de piges consécutifs ou non sur les douze derniers mois qui précèdent le mois de l’établissement des listes électorales, dont deux dans les quatre mois précédant la signature du protocole préélectoral (*) - L’ensemble des bulletins pris en compte ci-dessus devra être au moins équivalent à six fois le barème rédacteur mensuel en vigueur dans l’entreprise ou, à défaut dans la forme de presse considérée
- Avoir déclaré par écrit sur l’honneur à l’entreprise où le pigiste se présente pour être éligible ne pas avoir de mandat de même nature dans une autre entreprise, et s’être engagé à ne pas en briguer pendant toute la période.

Dans un quotidien régional (rédacteur = 1 817,65 ?) le journaliste pigiste, pour être éligible, devra justifier de 10 905 ? de salaires durant les 12 derniers mois, soit une moyenne de 908,83 ? par mois. Soit encore, au tarif constaté dans la PQR, avoir publié 25,97 feuillets par mois ou 311,64 feuillets en douze mois...

Dans un périodique spécialisé (FNPS) (rédacteur = 1392 ?), le journaliste pigiste, pour être éligible, devra justifier de 8352 ? de salaires durant les 12 derniers mois, soit une moyenne de 696 ? par mois. Au tarif constaté dans les périodiques spécialisés, 45 ?, il faudrait avoir publié 15,47 feuillets par mois, ou 185,64 feuillets sur douze mois....

Le but des fédérations patronales est clairement de limiter l’accès des journalistes pigistes aux élections d’entreprise en imposant des conditions exorbitantes. Cela revient à minimiser le poids non seulement des pigistes, mais de toute la catégorie journalistes dans les entreprises de presse.

Le code du travail prévoit trois mois de travail et aucun minimum de salaire pour être électeur, mais le « protocole d’étape » exige l’équivalent de trois fois le barème plein temps. Il exige plus de deux bulletins de salaire dans les quatre mois précédant l’élection, privant ainsi de droit de vote des pigistes dont les salaires auraient été inopinément, ou délibérément, retardés ou regroupés. Il rend ainsi aléatoires - si ce n’est anticonstitutionnel - les conditions d’obtention de la qualité d’électeur.

Compte tenu de ces aléas et des suspensions de parution estivales (ou des vacances bien méritées), les conditions d’éligibilité sont quasi inaccessibles.

Le chef de la délégation patronale a d’ailleurs clairement laissé entendre que certaines entreprises ne voulaient pas dans leur CE de pigistes élus « qui livreraient des informations confidentielles à la concurrence ».

La déclaration sur l’honneur n’est pas prévue par le code du travail et n’est d’ailleurs jamais demandée à des salariés à temps partiel ayant plusieurs employeurs. Le code du travail prévoit que le salarié multi-employeurs est électeur dans chacune des entreprises pour lesquelles il travaille, et fait le choix de celle où il se présente aux élections.

VIII - Prise en compte des pigistes dans le calcul des seuils d’effectifs

Pour la détermination des seuils d’effectifs, les pigistes seront pris en compte d’après la formule suivante : Masse salariale pigistes (journalistes titulaires de la carte) / Salaire moyen du personnel journaliste en CDI équivalent temps complet. (*) Hors bulletin spécifique notamment ceux relatifs au paiement du 13e mois et des congés payés

Quand il s’agit de calculer les droits des pigistes, le texte retient un salaire minimum. Mais il retient un salaire moyen quand il s’agit de calculer les effectifs de l’entreprise, ce qui tend à les minorer. Les pigistes sans carte sont illégalement exclus du calcul des effectifs. Il existe un risque de voir des entreprises privilégier le recours à des pigistes sans carte pour échapper aux obligations liées à des seuils d’effectifs (délégués du personnel, CE, délégués syndicaux, accord de participation...).

IX - Treizième mois et congés payés

Treizième mois

L’article 25 de la Convention Collective Nationale de Travail des Journalistes prévoit que les journalistes professionnels rémunérés à la pige perçoivent un treizième mois lorsqu’ils « auront collaboré à trois reprises différentes » ou lorsque « leur salaire aura atteint au cours de l’année civile au moins trois fois le montant minimum fixé par les barèmes de la forme de presse considérée ».

Ce treizième mois est versé au mois de décembre ; il correspond au douzième des piges perçues au cours des douze mois précédents.

Congés payés

L’article 31 de la Convention Collective Nationale de Travail des Journalistes prévoit que pour les journalistes professionnels rémunérés à la pige, le montant de l’indemnité de congés payés est calculé sur la base du 10e de la rémunération perçue au cours de la période de référence légale ».

Cette indemnité est versée au mois de juin.

Dans le cas où ils seraient versés à une périodicité ou date différentes de celles prévues par la convention collective, les usages consacrés en entreprise pourront être maintenus dès lors qu’au mois de juin, au titre des congés payés, et au mois de décembre, au titre du 13è mois, le pigiste aura effectivement perçu l’intégralité des sommes auxquelles il peut prétendre, au titre du dernier exercice clos, en application du présent accord.

De nombreuses entreprises appliquent déjà correctement les dispositions actuelles de la CCNJ et du code. Mais celles qui ne le font pas « oublient » généralement la régularisation annuelle.

Là encore, sous couvert de formaliser, « d’adapter à la situation particulière des pigistes », on nous propose un recul. De plus, le paiement des congés payés en juin permet de faire face aux mois creux de l’été. « L’avance de trésorerie » qu’essaient de nous vendre les employeurs ne sert qu’à réduire l’assiette de calcul en cas d’augmentation éventuelle du tarif, et à faire paraître artificiellement la pige plus généreuse.

Cet article vise à donner une caution syndicale à un usage fréquent, mais contraire à la convention collective. Cet usage consiste à verser 13e mois et congés payés au mois, sur chaque pige, avec chaque bulletin de salaire. C’est une manière, pour les entreprises, d’inclure le 1/12e (13e mois) et le 1/10e (congés payés) dans le tarif de la pige. La convention collective prévoit le paiement annuel de ces deux éléments de salaire, en plus du tarif de la pige. On voit l’intérêt des employeurs à sauvegarder cet usage.

Ainsi, un feuillet annoncé à 50 ? bruts, comprenant les congés payés et le 13e mois, est en fait une feuillet à environ 42 ?.

De plus, les congés payés et le treizième mois doivent être calculés sur l’ensemble des salaires (y compris les congés payés de l’année précédente). C’est la loi.

Avec le paiement mensuel, les employeurs nous lèsent donc de un dixième + un douzième du dixième de nos salaires (soit près de 2%). Quand ce n’est pas plus : dans plusieurs formes de presse, les congés payés sont supérieurs aux cinq semaines de tous les salariés, et il n’y a aucune raison que les pigistes échappent à la règle qui prévaut pour leurs confrères mensualisés du même titre.

X - Un certain nombre d’autres sujets ont été évoqués au cours des réunions paritaires, pour lesquels les parties sont convenues d’encourager les partenaires sociaux à négocier dans chaque entreprise : titres repas, accès à un restaurant d’entreprise, mutuelle d’entreprise, etc.

Le texte ne mentionne pas le refus des fédérations patronales d’appliquer aux journalistes pigistes divers droits pourtant ouverts à tous les salariés.
- L’augmentation des tarifs de pige parallèle à celle des salaires des journalistes mensualisés de l’entreprise.
- L’épargne salariale (accords de participation, d’intéressement, plan d’épargne bonifié par l’employeur).
- La modification du contrat de travail ou le licenciement en cas de baisse du volume de piges ou de leur disparition. - Les cotisations sociales à 100% du salaire pour ceux qui n’ont pas opté pour l’abattement...

XI - Conditions d’application

Le présent accord est applicable au 1er jour du deuxième mois qui suit sa date de dépôt.

Il n’a aucun caractère rétroactif.

Une extension sera demandée à l’initiative de la partie la plus diligente.

Les parties signataires conviennent qu’une fois l’arrêté d’extension publié, le présent accord sera opposable à toutes les entreprises de la Presse écrite et des agences de Presse, sauf dispositions pour lesquelles il prévoit expressément la possibilité de dérogation par voie d’accord collectif. Cette disposition ne fait pas obstacle à la négociation, la conclusion ou le maintien d’accords collectifs plus favorables aux pigistes.

L’extension de l’accord aux entreprises non-adhérentes à des organisations patronales est d’autant moins assurée que certaines clauses du texte sont illégales. La formulation permet d’obtenir mieux par accord d’entreprise, là où existent des sections syndicales actives sur les droits des pigistes, mais n’empêchera pas un alignement par le bas.

XII - Commission de suivi et d’interprétation Les parties signataires sont convenues de mettre en place une commission de suivi et d’interprétation pour la mise en œuvre du présent accord, négocié sans préjudice de dispositions plus favorables de la CCNTJ.

En ce sens, et pour préciser les modalités d’application de ces dernières aux pigistes, la commission de suivi et d’interprétation sera amenée à se réunir, pour la première fois dans les trois mois qui suivent la signature du présent accord, sur la question de la définition du « pigiste régulier ».

Cette commission sera élargie sur ce point à tout syndicat représentatif non signataire du présent texte. Il en ira de même concernant toute question qui ne constitue pas une stricte interprétation de l’accord, ainsi qu’en cas de modifications législatives ou conventionnelles.

La commission de suivi et d’interprétation devra se réunir dans un délai de six semaines après réception du courrier de convocation »

Paris le 03 Décembre 2008

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