Discours du Premier secrétaire général du SNJ
Le moment est historique. La profession, que l’on décrit parfois comme éclatée, difficile à mobiliser, est au rendez-vous. En plus du rassemblement auquel nous participons ici à Paris, d’autres rassemblements sont programmés en régions, à Bordeaux, au Mans, Grenoble, Lyon, Chalon-sur-Saône, Rennes, Marseille, Toulouse. J’en oublie certainement.
Aujourd’hui mardi 17 novembre, alors que l’Assemblée nationale étudie, en première lecture et avec procédure accélérée - au pas de charge donc - la proposition de loi « Sécurité globale », la profession, représentée par toute sa diversité (syndicats, associations et collectifs, sociétés de rédaction, clubs de la presse), est unie. Il est des moments comme celui-ci où la profession sait se rassembler pour faire front contre des textes liberticides, où la profession est attaquée dans ses valeurs fondatrices.
La profession est rejointe par des organisations de défense des droits de l’Homme dont la Ligue des droits de l’Homme et aussi des ONG, des vidéastes, des réalisateurs, des documentaristes, bien conscients des dangers de cette proposition de loi.
Cette coordination plurielle et attachée aux principes démocratiques a permis ce rassemblement. Je remercie, au nom du SNJ, chacune de ses structures pour l’investissement dont leurs membres ont fait preuve ces derniers jours, parfois au détriment de leur travail, de leur vie de famille, de leur repos.
La France, pays des Lumières, patrie des droits de l’Homme, envoie un très mauvais signal en voulant légiférer contre le droit de tout citoyen de manifester sans être espionné par un drone, sans que la police n’extraie nos données de nos téléphones portables sans que nous y prêtions garde.
Comment une démocratie comme la France peut à ce point rogner sur nos libertés fondamentales ?
Les journalistes s’alarment des dispositifs liberticides que comportent cette proposition de loi, notamment l’article 24.
Dans cet article 24, la proposition de loi vise à interdire à toute personne la diffusion « dans le but qu’il soit porté atteinte à son intégrité physique ou psychique, [de] l’image du visage ou tout autre élément d’identification » d’un policier ou d’un gendarme « lorsqu’il agit dans le cadre d’une opération de police ».
Le fait de diffuser l’image d’interventions policières notamment en direct serait donc, de fait, quasiment impossible. En pratique, cette loi conduira à davantage d’interpellations et de violences, comme c’est déjà trop souvent le cas aujourd’hui.
Rappelons que l’arsenal juridique destinée à protéger les gardiens de la paix qui seraient entravées dans l’exercice de leur profession existe déjà. Le durcir reviendrait indéniablement à renforcer les pouvoirs de la police et à voir des violences policières rester impunies.
Sous couvert de lutter contre les menaces envers les forces de l’ordre, alors que le pays est dans un état d’urgence quasi permanent, cette proposition de loi est une étape de plus dans le tout sécuritaire alors que les citoyens ont besoin d’une police qui rassure et non pas d’une police qui verbalise, d’une police qui protège et non pas d’une police répressive.
Fondé en mars 1918 - en pleine guerre mondiale (il fallait être culotté à l’époque) - le Syndicat National des Journalistes, première organisation de la profession, se félicite que la profession se rassemble un jour comme celui-ci pour s’opposer unitairement à cette proposition de loi qui est une véritable atteinte à la liberté de la presse, à la liberté d’informer et d’être informé et à la liberté d’expression.
Le SNJ, membre fondateur de l’Union syndicale Solidaires, tient à rappeler que la liberté de la presse est un des biens les plus précieux de la démocratie ; qu’il est de la responsabilité des pouvoirs publics de garantir la liberté d’expression des citoyens et en particulier le droit des journalistes à informer, révéler, commenter, critiquer, caricaturer ; que cette liberté ne dispense en aucune manière les journalistes et les rédactions d’une nécessaire exigence individuelle et collective de professionnalisme, de rigueur et de déontologie ; qu’un des meilleurs moyens de garantir la liberté de la presse et des médias consiste à permettre aux citoyens d’accéder à une information indépendante, complète, pluraliste et de qualité.
Ensemble, faisons tomber la proposition de loi Sécurité globale.
Vive la coordination contre ce texte !
Vive les journalistes !
Vive la liberté de la presse !
Emmanuel POUPARD
Premier secrétaire génaral du SNJ