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Communiqués de presse

Loi sur le renseignement : le SNJ écrit au Conseil constitutionnel

Lette ouverte du SNJ à Jean-Louis Debré, Président du Conseil Constitutionnel, qui doit se prononcer cette semaine sur le texte de la loi relative au renseignement, attribuant aux autorités de vastes pouvoirs en matière de surveillance de masse.



Monsieur le Président,

Cette semaine est décisive pour les libertés en France et, particulièrement celle d'informer et d'être informé. Le Conseil constitutionnel examine les différentes dispositions de la loi sur le renseignement, adoptée par le parlement le 24 juin dernier. Une loi dont l'examen, compte tenu des enjeux constitutionnels, historiques et sociétaux, aurait dû bénéficier d'un temps de débats et de réflexions dont la procédure d'urgence voulue par l'exécutif a privé les parlementaires et les citoyens.

Les premiers n'ont pas pu, dans  la hâte, percevoir le "Big bang" démocratique qui résulterait de la mise en place de moyens techniques d'espionnage de masse sans proportionnalité avec le but recherché et, surtout, sans contrôle du juge judiciaire. Le rôle du "troisième pouvoir" comme gardien des libertés publiques disparaîtrait ainsi.

Les derniers n'ont pu comprendre l'ampleur des atteintes à la vie privée, à l'exercice professionnel et à la confiance réciproque, base essentielle que le vivre ensemble nécessite dans toute communauté humaine.

Pour les journalistes, que le Syndicat National des Journalistes (SNJ), première organisation de la profession, représente, la loi sur le renseignement signifie, en l'état du texte, la mort de la profession et, ce à très court terme. Car ils sont menacés dans leur existence même. Comment garantir la protection du secret de leurs sources ? Comment exercer au quotidien en étant écoutés, lus, enregistrés, avec des données conservées sans limites, et localisés à tout instant ? Et ce sans contrôle d'un juge judiciaire, ni avant, ni pendant, ni après. Seul recours : le Conseil d'Etat. Mais de quelles preuves pourraient disposer d’éventuels plaignants ?

De toutes façons, un recours à posteriori. Le mal étant fait et irréparable. Déjà, de très nombreux confrères nous alertent car leurs sources commencent à s'alarmer et à leur dire : "Ne comptez plus sur moi désormais." Sans sources, pas d'informations. La Cour Européenne des Droits de l'Homme (CEDH) construit et consacre, depuis des années, la protection des sources des journalistes comme "pierre angulaire" de la liberté de la presse. Le SNJ, qui n'a jamais été consulté ni interrogé, à quelque stade de l'élaboration du texte, a multiplié les alertes et les rencontres avec les parlementaires. Les sénateurs nous ayant demandé des propositions d'amendements, nous les avons rédigées en hâte et vous les trouverez ci-joints.

Nous sommes conscients que vous devez être saisi et sollicité par beaucoup d'intervenants mais, nous nous demandons instamment de penser à ce que deviendrait un pays sans presse libre et sans informations de qualité. Nous vous remercions de l'attention que vous porterez à nos demandes et vous prions, Monsieur le Président, d'agréer l'assurance de notre haute considération.

Dominique Pradalié
Secrétaire générale
SNJ


 

Propositions d'amendements transmises aux sénateurs.

Voici les propositions du SNJ :
- Tout d'abord, rétablir l'article suivant :
Article L. 821-7 Loi sur le renseignement
Les techniques de recueil du renseignement mentionnées au titre V du présent livre ne peuvent être mises en œuvre à l’encontre d’un magistrat, d’un avocat, d’un parlementaire ou d’un journaliste ou concerner leurs véhicules, bureaux ou domiciles que sur autorisation motivée du Premier ministre prise après avis de la commission réunie.

- Ensuite deux modifications :
1) Amendement à l'article L 851-3
« Art. L. 851-3. – Pour les seuls besoins de la prévention du terrorisme, le recueil des informations et documents mentionnés à l’article L. 851-1, relatifs à des personnes préalablement identifiées comme présentant une menace, peut être opéré en temps réel sur les réseaux des opérateurs et personnes mentionnés à l’article L. 851-1  ».
« Ces dispositions sont mises en œuvre sur demande des agents individuellement désignés et dûment habilités des services spécialisés de renseignement, mentionnés à l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, dans les conditions prévues au chapitre 1er du titre II du présent livre  ».

Amendement SNJ proposé : Les informations et documents recueillis par l’usage des techniques utilisées dans le cadre de l’article L . 851-1 et relatifs à des personnes non identifiées comme présentant une menace ne pourront être détenues et feront l’objet d’une destruction immédiate par les services spécialisés du renseignement.

2) « Art. L. 851-4. – Pour les seuls besoins de la prévention du terrorisme, sur demande des agents individuellement désignés et dûment habilités des services spécialisés de renseignement, mentionnés à l’article 6 nonies de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, le Premier ministre, ou l’une des personnes déléguée par lui, peut, après avis de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement, imposer aux opérateurs et personnes mentionnés à l’article L. 851-1 la mise en œuvre sur les informations et documents traités par leurs réseaux d’un dispositif destiné à révéler, sur la seule base de traitements automatisés d’éléments anonymes, une menace terroriste ».

« Si une telle menace est ainsi révélée, le Premier ministre ou l’une des personnes déléguées par lui peut décider de la levée de l’anonymat sur les données, informations et documents afférents dans les conditions prévues au chapitre 1er du titre II du présent livre ».

Amendement SNJ proposé : Le dispositif visé à l'alinéa 1 du présent article ne pourra être imposé auprès des opérateurs et fournisseurs d'accès à Internet ayant établi contrat auprès des rédactions de journalistes.

Paris, le 22 Juillet 2015

Thèmes : Liberté

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