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La commission de la carte

Correspondants régionaux

à l'écoute de la profession

Compte rendu de mandat des correspondants régionaux. Version longue d’un texte paru dans le supplément du Journaliste n°291-292 (4e trim. 2008-1er trim. 2009).

Développement de la précarité, évolution de la formation... Au-delà de leurs avis sur les premières demandes de carte, les correspondants régionaux de la Commission de la carte de presse ont un regard acéré sur la profession.

Etre correspondant régional de la Commission de la carte ? « Un engagement au service du journalisme, de sa pérennité et de sa crédibilité. » La formule est de Jean-François Leix (Champagne-Picardie). Il y voit aussi une autre facette de l’engagement syndical. Voilà qui résume bien la diversité des actions de ces militants élus SNJ.

Comme du côté employeur, ils sont deux par région (sauf en Ile-de-France) : un titulaire et un suppléant. Leur première mission est d’étudier chaque première demande de carte de presse et d’émettre un avis en fonction de « leur bonne connaissance géographique de leur région et de son milieu professionnel » souligne encore Jean-François Leix.

Mais, à travers l’étude des dossiers et les discussions avec les demandeurs, « souvent longues et riches », précise Catherine Lozach’ (Bretagne), ils ont un rôle plus large. Ils conseillent nos nouveaux confrères et consoeurs, y compris en amont des demandes. Ils offrent également une vision syndicale et globale de la profession qui est finalement rare dans beaucoup d’entreprises de presse ou quand on est un pigiste isolé.

Tassement des embauches

Des tendances fortes s’en dégagent. En province, alors que le journalisme en ligne reste marginal (ou intégré dans d’autres médias), la presse quotidienne régionale est le premier employeur des nouveaux journalistes professionnels, même si ces derniers mois tous les élus SNJ ont constaté un tassement des embauches et le retour des reconversions au sein des entreprises. « Cela semble traduire la désastreuse situation de l’emploi actuelle en PQR » résument Isabelle Plantegenest et Michel Rebière (Poitou-Charente).

Quand ce n’est pas la PQR, c’est la presse hebdomadaire régionale, comme le remarque Pierre Didier : « En Normandie, la majorité des demandes émane d’hebdomadaires régionaux. (...) Le revers c’est que les salaires sont à l’avenant avec des embauches autour de 1 500 ? brut ».

Baisse des revenus

L’occasion d’évoquer la précarisation grandissante. « Les pigistes et CDD ont représenté 40% des demandeurs », détaille Jean-Michel Chombart (Côte d’Azur-Corse). Pour la Corse, Pierre-Louis Alessandri relève qu’une vingtaine de journalistes tournent sur des statuts de pigistes quasi permanents aussi bien dans l’audiovisuel public que dans la presse écrite. Avec pour conséquence la baisse des revenus.

Cette augmentation de la proportion de pigistes, Guy Souter la voit aussi en Alsace. Ils représentent la moitié des demandes avec parfois « des journalistes précaires qui n’ont que 740 ? pour vivre et qui ont besoin aussi de cette carte de presse ».

Impression confirmée par Chantal Seignoret (Alpes) : « J’ai constaté une vraie montée de la précarisation avec, parfois, des montants de piges très très bas. Et des situations complexes surtout dans l’audiovisuel, mais aussi sur le web, avec des sociétés [non reconnues comme entreprises de presse] et qui flirtent avec la pub ou la promotion. » Sans oublier la particularité des DOM-TOM où le coût de la vie rend la précarité encore plus difficile, souligne Yannick Bernardeau.

Pour le Rhône, Michel Rivet-Paturel et José-Miguel Sardo voient progresser des titres peu connus voire confidentiels « avec des rémunérations moyennes relativement basses et une forte part de pigistes. On relèvera avec un sourire amer que les salaires les plus élevés étaient ceux de revues ou magazines qui faisaient tout sauf de l’info et leurs employés n’ont évidemment pas pu obtenir la carte. Riches mais pas journaliste ou journaliste et grande précarisation, il faut choisir .... !!! »

Dernier éclairage sur les rémunérations avec François Moulin et Anaïs Feuga qui constatent en Lorraine que « l’écart des salaires se résorbe lentement entre les hommes et les femmes. Les femmes (41% des demandes) sont 36% à gagner moins de 1 500 euros bruts par mois pour 28 % seulement des hommes. [...] Les plus bas salaires se retrouvent dans les radios (publiques), les hebdos régionaux et chez les pigistes de la presse locale ou régionale. »

En évoquant les femmes, on peut souligner que la « parité » était quasiment partout de mise ces dernières années dans les demandes. Mais, en 2008, la progression de la proportion de femmes a connu un ralentissement dans certaines régions, comme la Bretagne (40 %), selon Catherine Lozac’h, ou la Provence, d’après Yves Gerbault. « Doit-on y voir un désintérêt des filles pour la profession ? Un repli machiste dans une période plus tendue (certaines directions cachent à peine leur sexisme...) ? » se demande Catherine Lozac’h [1]. Mais, dans le Nord, Franck Bazin décompte l’année dernière 29 nouvelles cartes féminines pour 24 masculines.

L’âge des demandeurs est un autre élément intéressant. Pierre-Louis Alessandri, Jean-Michel Chombart (Côte d’Azur-Corse) et Yves Gerbault (Provence) constatent à la première demande un âge moyen relativement élevé : plus de 30 ans. « Cette particularité, expliquent Alessandri et Chombart, tient souvent à un phénomène de reconversion ou d’évolution d’un métier déterminé au profit du journalisme. Une telle situation est à mettre en relation avec la faiblesse persistante des demandeurs formés dans une école de journalisme : entre le tiers et la moitié des candidats ! ».

Ce que recoupe le contat de Philippe Bequia (Auvergne-Limousin) quand il insiste sur la variété des itinéraires empruntés. « Ils passent par les écoles, bien sûr, mais aussi pour certains par la pharmacie, le café-théâtre, le sport professionnel, ou encore la gendarmerie... Je pense que c’est une richesse pour la profession. » Pierre Didier (Normandie) : « Les candidats sortant des "grandes" écoles de journalisme (Lille, Paris, Strasbourg) ne sont pas recrutés en PHR mais en presse quotidienne régionale et dans l’audio-visuel, encore que leur nombre ne soit pas majoritaire. » Mais François Moulin et Anaïs Feuga soulignent que 40 % des demandeurs en Lorraine ont effectué des études en rapport avec la profession.

Avis massivement suivis

En entrant dans le détail du travail des correspondants, on peut enfin retenir quelques remarques. Leurs avis sont massivement suivis par la commission nationale et les échanges par mail ont amélioré les choses. Mais comme insistent Jean-François Leix et Marie-Charlotte Giraud (Champagne-Picardie), « il est toujours compliqué de se prononcer sur des médias extérieurs à la région au motif que le demandeur, lui, est originaire du crû ».

Les refus de carte se font toujours à peu près pour les mêmes raisons. Ce que résument Pierre-Louis Alessandri et Jean-Michel Chombart (Côte d’Azur-Corse) : « Dans la plupart des cas, ils sont fondés par le fait que le candidat n’effectue pas un travail de journaliste (il y a ainsi eu des scanneristes, maquettistes...) ou sur des incompatibilités telles que l’exercice d’une activité dans la fonction publique ou dans une entreprise relevant du domaine de la communication. » Raisons auxquelles il faut ajouter les « piges aux moyennes insuffisantes » ou encore « l’absence de preuve de l’exercice ».

Enfin, il y a aussi des propositions pour l’avenir comme celle d’avoir le courriel des candidats. Une demande d’autant plus pressante pour les collègues des DOM-TOM Yannick Bernadeau et Linda Gauthier-Nodin : « Avec les décalages horaires communiquer par téléphone n’est pas facile ».

Synthèse : Gilles Kerdreux

Quelques chiffres

Champagne-Picardie Près de 100 dossiers de 2006 à 2008 avec 5% de refus.

Cotes d’Azur-Corse 147 demandes de 2006 à 2008 et 18 refus. Salaire moyen en dessous de 1 700 ? (de 394 ? à 3 589 ?). Auvergne-Limousin Une centaine de cartes attribuées. Prés de la moitié à des journalistes pigistes ou en CDD.

Provence En 2008, 55 demandes. Moyenne d’âge 30 ans. Moyenne salariale de 1 633 ?. Normandie Embauches autour de 1 500 ? brut. Nord-Pas-de-Calais

Entre septembre 2006 et juin 2007, 49 cartes attribuées dont 30 à des femmes. Lorraine 64 % de CDI, 18,5 % de CDD et 17,5% de pigistes. Moyenne des salaires bruts 1 763 ? (de 770 ? pour un photographe pigiste à 4 100 ? pour un responsable de rédaction télé). Rhône Une douzaine de refus sur 140 demandes. Bretagne 61 dossiers en 2006, 55 en 2007, 54 en 2008. Age moyen : 28,5 ans. Salaires autour de 1 600 ?. Alsace 98 dossiers. 6 refus. 42 pigistes. Dom-Tom 121 dossiers. 44 en 2006, 36 en 2007 et 41 en 2008. 69 pour la presse écrite. 52 en audio-visuel.

Notes

[1] Selon les dernières statistiques publiées par la Commission, tandis que le nombre total de journalistes plafonne, celui des journalistes femmes continue de progresser [Ndlr].

[2] Selon les dernières statistiques publiées par la Commission, en 2008, sur 2004 personnes ayant obtenu la carte pour la première fois, 295 étaient diplômées d’une école reconnue. Rappelons qu’en 1999, sur l’ensemble des détenteurs de la carte, on dénombrait, seulement 12 % de diplômés d’une école reconnue (Les journalistes français à l’aube de l’an 2000. Profils et parcours, de V. Devillard, M.-F. Lafosse, C. Leteinturier, R. Rieffel, IFP-CCIJP, Ed. Panthéon-Assas, 2001) [Ndlr].

 

le 01 Janvier 2009

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