Formulaire de recherche


SNJ - 33 rue du Louvre - Paris 75002 - 01 42 36 84 23 - snj@snj.fr - Horaires


Communiqués de presse

Qualité de l’information

Information de qualité : il y a urgence !

La crédibilité de l’info réclame toute notre vigilance

Les journalistes ont mauvaise presse et leurs médias plus encore. Quel journaliste n’a pas été interpellé par un voisin, un ami, le membre d’une association, d’un groupement culturel ou d’un club sportif qu’il fréquente, sur « ces médias qui cacheraient la vérité et ne seraient pas objectifs » ? Il faut dire que l’attitude de quelques collègues en vue, donneurs de leçons (ou perçus comme tel) à diverses occasions, et notamment lors du référendum sur le traité européen, reste dans toutes les mémoires.

Les événements récents, qui ont mis clairement en évidence les liens que les patrons des médias dominants entretiennent avec le président Sarkozy, ne peuvent que renforcer l’idée de collusion entre le pouvoir politique et la presse écrite, audiovisuelle et Internet, entre ceux qui gouvernent et ceux qui contribuent à fabriquer l’opinion.

La censure, dont a été victime, le 12 mai dernier, la rédaction du Journal du dimanche, à la demande même du PDG du groupe, Arnaud Lagardère, (qui se présente comme le « frère » du président de la République), ne peut qu’inquiéter toute la profession. D’autant que cet événement fait suite à la démission demandée et obtenue d’Alain Genestar, qui a été débarqué de la direction de la rédaction de Paris Match. Ce qui n’a pas évité à la rédaction de cet hebdo de continuer à subir des pressions à plusieurs reprises lors de la dernière campagne électorale.

De plus, le passage de quelques journalistes de grands titres nationaux à des fonctions de conseillers dans les premiers cercles du nouveau pouvoir, et la nomination à la tête de TF1 d’un proche du président Sarkozy ajoutent encore un peu plus à la confusion à laquelle certains ont intérêt.

L’histoire nous l’apprend : souvent, le premier acte qu’accomplit un pouvoir autoritaire ou dictatorial est de s’emparer des médias et de tenter d’asservir les journalistes. Nous ne ferons pas cette injure au nouveau chef de l’État, légitimement élu par une majorité de nos compatriotes. Depuis son élection il a réaffirmé son attachement aux valeurs républicaines, et notamment à la liberté d’expression, directement issue de notre Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Nous espérons que, pour lui, le droit de pouvoir informer librement et sans contrainte, et le droit d’avoir accès à une information honnête, plurielle et de qualité restent des éléments consubstantiels à notre démocratie.

Néanmoins, nous ne pouvons qu’appeler à une grande vigilance les 38 000 journalistes de toutes les formes de presse, quelle que soit la taille de leur entreprise, pour qu’ils s’opposent publiquement à toute tentative de remplacer le devoir d’informer par la volonté de plaire.

Cet appel concerne aussi les candidats aux élections législatives à qui nous demandons de s’engager à respecter les droits des journalistes et ceux des citoyens à une information de qualité, c’est-à-dire honnête, complète et pluraliste au moment où ils sollicitent leurs suffrages. Nous leur demandons également, s’ils sont élus, de faire évoluer la législation pour une plus grande indépendance des rédactions. Seule la reconnaissance juridique d’une équipe rédactionnelle, dans chaque entreprise de presse, permettra que les journalistes ne soient plus en butte à tous les aléas politiques et économiques.

La liberté d’enquêter l’application stricte du droit d’auteur, la reconnaissance pleine et entière du statut de salariés aux journalistes pigistes (un journaliste sur cinq), la mise en oeuvre de la clause de cession et de la clause de conscience, relèvent de la loi et des accords conventionnels.

En ce qui concerne la protection des sources des journalistes, après les multiples et graves incidents liés à des perquisitions dans les rédactions, il est urgent que la France se mette enfin en adéquation avec la loi et la jurisprudence européennes protectrices des droits des journalistes.

Dans le même esprit, l’intégration des chartes d’éthique et de déontologie des journalistes (Paris 1918, Munich 1971) au sein des textes régissant la profession (qui relèvent d’accords conventionnels et du code du travail, et par conséquent d’un vote de l’Assemblée nationale). Ces chartes doivent être rendues opposables car ce serait une garantie supplémentaire apportée au libre exercice de la profession de journaliste et à la qualité de l’information.

Mais il ne saurait y avoir de véritable liberté d’informer sans un même engagement de la part des employeurs à respecter la loi et les codes d’éthique du journalisme, à donner aux journalistes les moyens d’exercer librement leur profession, à garantir l’indépendance des rédactions contre toute pression d’où qu’elle vienne et à lutter contre la précarisation de la profession. Il est de la responsabilité des employeurs de faire remplir les tâches d’information par des journalistes, quels que soient les nouveaux systèmes éditoriaux mis en place, et de veiller à l’application sans réserve de notre convention collective.

La vigilance des journalistes doit également être totale face à l’extraordinaire concentration des médias hexagonaux. Alors que presse écrite, télévisions, sites Internet, instituts de sondage sont déjà étroitement liés, un nouveau processus qui se prépare notamment en presse régionale et départementale, quotidienne et hebdomadaire, et l’on annonce l’arrivée de nouveaux opérateurs européens dans le jeu médiatique français.

Cette concentration est tout à la fois cause et conséquence de la présence de plus en plus massive des opérateurs économiques, industriels et financiers dans le monde des médias. Des frontières nettes doivent être érigées entre les groupes médiatiques et ceux qui vivent des commandes d’État. Des gardes fous doivent aujourd’hui être dressés entre les entreprises de presse et les puissances d’argent. Il est de la responsabilité des pouvoirs publics de garantir les conditions économiques et d’indépendance des médias faute de quoi la liberté d’information et le droit à une information plurielle ne seraient que des concepts vidés de toute réalité.

Pour les citoyens, usagers de la presse, audiovisuelle et/ou écrite, payante ou gratuite, de métropole comme des départements ou territoires d’outre-mer, il est nécessaire que des règles garantissent la multiplicité des médias, le pluralisme de l’information et la diversité des opinions. Ces droits devraient être inscrits dans la Constitution.

Animés de cette détermination, les syndicats de journalistes SNJ, CGT et CFDT ont demandé à rencontrer Catherine Albanel, nouvelle ministre en charge de la culture et des médias.

Ils lui rappelleront ces demandes pressantes, largement partagées par le public. Mais il appartient à chacun des 38 000 journalistes d’apporter sa contribution personnelle à ce combat qui n’a rien d’archaïque, à un moment décisif de l’histoire des médias français.

Alain Girard, Premier secrétaire général du Syndicat national des journalistes (SNJ)

Dominique Candille, Secrétaire général du Syndicat national des journalistes CGT (SNJ-CGT)

Jean-François Cullafroz, Co-secrétaire général des Journalistes CFDT (USJ-CFDT)

le 05 Juin 2007

accès pour tous