Du "Groupe des Dix" à l'Union syndicale Solidaires
C’est clair, c’est net, et c’est oui ! En ce mois d’octobre 1996, après plusieurs mois d’un débat tranché par le « vote massif » du congrès de Lyon (*), le SNJ s’avance avec détermination vers l’Union syndicale issue du Groupe des Dix, qui deviendra Solidaires. L’aboutissement d’une politique d’ouverture illustrée par la réintégration de la Fédération internationale des journalistes (FIJ) en mai 1990. Quelques semaines plus tard, le 26 juin 1990, à Paris, le Forum du Groupe des Dix s’interroge sur huit années d’existence d’une démarche syndicale originale, dans laquelle sont inscrits des syndicats autonomes dont les effectifs et l’influence progressent partout. Le G10 « pèse » désormais 60 000 adhérents et 150 000 voix aux élections professionnelles, mais la volonté est de voir plus loin.
Fin novembre 1995, la direction est tracée, vers une union syndicale. Les membres du Groupe des Dix estiment « indispensables l’unité des forces syndicales pour imposer une autre logique économique et sociale, et ne plus laisser les marchés décider du sort du monde ». Il s’agit de créer une mission interprofessionnelle unitaire.
L’idée fait son chemin au sein du SNJ, séduit par un élargissement de l’action syndicale vers des revendications plus générales. Le processus est lancé, reste à élaborer et valider une plateforme revendicative partagée, et à s’accorder sur les statuts. Deux principes de base suscitent l’approbation générale: chaque organisation membre ne dispose que d’une seule voix, et les décisions se prennent au consensus. Les statuts prônent également la liberté et la pleine autonomie des syndicats membres, et font référence à des « valeurs communes » quant à la démocratie syndicale, et « l’aspiration générale à une société plus juste, plus libre, plus humaine, plus solidaire et plus démocratique ».
En dépit de certaines réserves émises, les plus virulents s’interrogeant – déjà – sur « le rôle du syndicat SUD » ou l’opportunité d’entrer dans cette « auberge espagnole version auberge rouge », la plate-forme revendicative porte le SNJ vers cette démarche unitaire, « dans le respect de notre spécificité professionnelle ». Un nouveau pôle syndical est né.
(*) La plateforme revendicative est adoptée avec 83 % de oui, 17 % de non. 85,5 % des mandats sont favorables à l’adhésion (93 votants, trois abstentions, 77 pour, 13 contre).
L'Union syndicale Solidaires en 11 dates
6e congrès de l’Union syndicale Solidaires
Visa pour une autre société
350 délégués de l’Union syndicale, dont six militants du SNJ, ont participé du 2 au 6 juin 2014 au 6e congrès de Solidaires, à Dunkerque. Article paru dans la revue Le Journaliste n°313 (juillet 2014).
La CFDT dans le sud et les SUD dans le nord, tout un symbole. Tandis que la centrale « réformiste » tenait son congrès à Marseille, l’Union syndicale Solidaires réunissait ses forces vives à l’opposé géographique, sur les rives de la mer du Nord, à Dunkerque. 346 inscrits, issus de 53 Solidaires locaux et de 38 fédérations ou syndicats nationaux, dont six militants du SNJ, ont participé du 2 au 6 juin au 6e congrès de l’ex-Groupe des Dix (*) devenu Solidaires.
Porteurs d’un syndicalisme de combat et de transformation sociale, les militants de Solidaires se sont retrouvés autour des valeurs fondamentales de l’Union, interprofessionnelle, internationaliste, anticapitaliste, pour une société plus équitable, plus tolérante, contre l’extrême-droite, sa xénophobie, son homophobie, sa haine. Quatre jours de débats, ponctués des interventions des syndicalistes grecs, allemands, tunisiens, espagnols, algériens ou brésiliens, venus partager leurs luttes et leurs convictions, mais aussi des représentants de mouvements associatifs très proches de Solidaires tels qu’Attac, la Fondation Copernic, Droit au Logement, la Ligue des Droits de l’Homme, Visa, Amnesty, sans oublier les délégations de la CGT, de la FSU, de l’Unsa, de l’UNEF, la FIDL, le SAF ou encore la Confédération Paysanne. Des éclats de voix, de la bonne humeur, tristesse et émotion aussi, à l’heure d’un poignant hommage à Clément Méric, membre de Solidaires-Etudiants tué le 5 juin 2013, à 18 ans, par des militants d’extrême-droite.
Statuts : le statu-quo
Egalité entre les femmes et les hommes, défense d’une protection sociale juste, pérennité des services publics, respect de la santé au travail, socialisation des moyens de production et renforcement de notre outil syndical... autant de thèmes abordés à travers les cinq résolutions élaborées au fil de ces derniers mois, amendées au sein des commissions du congrès, puis soumises aux votes de l’assemblée plénière. Sans oublier les douze motions proposées par les structures, parmi lesquelles celle de Sud-PTT contre la répression anti-syndicale.
La révision des statuts a été l’occasion de repousser les velléités récurrentes de certaines organisations de supprimer le droit de veto dont disposent les syndicats nationaux. Le SNJ y reste très attaché. Proposition maintenue par le secrétariat national, dans un souci de maintenir le débat sur une « meilleure visibilité » de l’Union syndicale, l’obligation pour les structures membres d’accoler systématiquement à leur nom le sigle Solidaires a également été rejetée. Le congrès du SNJ, en octobre, s’était clairement positionné contre cette éventualité. Or, il faut unanimité des organisations nationales au sein de Solidaires pour entériner une modification statutaire.
La délégation du SNJ n’a pu néanmoins porter jusqu’à son adoption finale son amendement, dans le texte de la résolution n°4 (structuration et développement), consistant à préciser les conditions de la définition du mandat, et de la délégation amenée à négocier, dans les branches où deux organisations seraient présentes, sur le même champ de syndicalisation. Un problème nécessitant une clarification, qui concerne potentiellement les journalistes, dans les branches de la presse où Solidaires a été déclaré représentatif grâce aux voix du SNJ.
Priorité au dialogue
Notre proposition consistait à se baser sur les résultats électoraux dans la branche, pour donner priorité à l’organisation majoritaire, amendement très largement balayé, lors des débats en commission, par nombre de structures contestant le principe d’hégémonie des gros syndicats vis-à-vis des plus petits. Le fait de maintenir notre texte jusqu’au dernier moment -pour le retirer juste avant le vote- nous a permis de réexpliquer à la tribune l’objet de cet amendement, motivé surtout et toujours par le non-respect de l’article 5 des statuts de l’Union, qui interdit théoriquement toute concurrence entre deux organisations de Solidaires sur un même champ de syndicalisation.
Réformée, et surtout resserrée, la commission des conflits, inopérante jusqu’à présent, puisque constituée d’un représentant par syndicat, pourra désormais être saisie plus facilement. Le retrait en dernière minute de notre amendement a été salué -et même applaudi- comme un geste d’apaisement et de dialogue à l’intention de Sud-Culture Médias, alors que le secrétariat national de Solidaires a très clairement mandaté le SNJ, dans toutes les branches (12) où ses voix ont permis à l’Union syndicale d’apparaître représentative.
Avec son fonctionnement interne atypique, basé sur la recherche perpétuelle du consensus et le respect de l’autonomie des structures membres, l’Union syndicale vient d’atteindre les 110 000 adhérents. Elle vient aussi de renouveler sans coup férir trois de ses figures historiques (lire par ailleurs), dans une sérénité -malgré le contexte- qui est la marque d’une certaine maturité.
Claude Cécile, Olivier Cimpello, Jacques Furlan, Didier Labertrandie, Vincent Lanier, Pierre Le Masson
(*) Le SNJ est membre fondateur du Groupe des Dix, devenu Union syndicale Solidaires en 1998.