Indépendance des rédactions et liberté d’informer : il y a urgence !

Indépendance des rédactions et liberté d’informer : il y a urgence !

Le SNJ soutiendra toute initiative parlementaire consistant à doter les rédactions de nouveaux droits leur permettant de garantir leur indépendance vis-à-vis des actionnaires et les prémunir contre toute ingérence extérieure.



La reconnaissance juridique de l’équipe rédactionnelle, lui octroyant un droit d’opposition collectif, est une revendication majeure du Syndicat national des journalistes (SNJ) depuis plus de 15 ans. Dès 2006, et son congrès de Besançon, le SNJ proposait, de façon prémonitoire, de doter la rédaction d’un droit moral collectif, « particulièrement si son indépendance vient à être gravement mise en cause par le comportement de l’actionnaire-éditeur ».

Alors que les salariés du Journal du Dimanche sont entrés ce samedi 22 juillet dans leur 30e jour de grève, pour obtenir le retrait de la nomination à la tête de la rédaction de Geoffroy Lejeune, transfuge de l’hebdomadaire d’extrême-droite Valeurs Actuelles, ce sujet n’a jamais été aussi urgent, et sensible.

Il ne fait plus aucun doute aujourd’hui que la frénésie capitalistique de l’industriel Vincent Bolloré dans les médias et l’édition poursuit un objectif idéologique, au service d’une croisade réactionnaire. Habitué à piétiner les rédactions pour imposer ses choix, Bolloré a évidemment menti effrontément devant la représentation parlementaire au Sénat, lorsqu’il affirmait n’être qu’un gestionnaire bon père de famille, et ne jamais s’impliquer dans le contenu éditorial de ses médias.

I-Télé devenu CNews, Canal+, Europe 1, Paris Match, Prisma Médias, le JDD, à qui le tour ?

Alors que plusieurs initiatives parlementaires ont été annoncées ou relancées ces derniers jours, en particulier dans l’optique des Etats généraux de l’information renvoyés à l’automne, le SNJ, première organisation de la profession, soutiendra toute proposition de loi permettant de renforcer l’indépendance des rédactions vis-à-vis des actionnaires et des ingérences extérieures de toutes sortes.

Que ce soit par le biais d’une conditionnalité des aides à la presse (ou de l’attribution d’une fréquence hertzienne) à la mise en place d'une procédure d'agrément, par les journalistes de l'entreprise, pour la nomination de tout responsable de la rédaction (PPL Taillé-Polian/ transpartisane et PPL Assouline/PS) ; ou que ce soit par le biais de la création d’un conseil de rédaction doté d’une personnalité juridique lui permettant d’ester en justice, et lui conférant un droit d’opposition collectif (PPL Nathalie Goulet/UC).

Ces sujets ne sont pas nouveaux. Déjà en décembre 2010 (PPL Assouline) et en septembre 2014 (PPL Goulet), les propositions de loi portant des dispositions similaires n’avaient pas passé le cap du Sénat, en raison notamment d’un intense lobbying patronal, les employeurs de presse considérant n’avoir aucun compte à rendre sur les aides publiques perçues, et aucun devoir vis-à-vis des journalistes, de leurs rédactions, et de la qualité de l’information due au public.

En novembre 2016, quelques jours après la destruction de la chaîne d'info I-Télé (après un mois de grève de la rédaction), déjà par le même milliardaire breton, la loi Bloche, très mal surnommée "loi anti-Bolloré", avait été une occasion manquée. Ses comités d’éthique dévoyés, et son droit d’opposition individuel inapplicable dans la vraie vie, sont restés inoffensifs.

Au-delà de la réaction salvatrice des élus de presque tous bords ces derniers jours, bien que les débats parlementaires arriveront peut-être trop tard pour sauver la rédaction du JDD, ne reproduisons pas ce schéma mortifère. Ne ratons pas une nouvelle occasion. Doter les rédactions de nouveaux droits collectifs est un enjeu majeur pour le droit à l’information, pour les citoyens, pour la démocratie.

Une grande loi sur la presse et les médias, à laquelle nous aspirons, ne pourra faire l’économie de mesures fortes, sur de nouvelles modalité de calcul des seuils anti-concentration, sur les conditions d’exercice du métier de journaliste et sa précarité, sur la protection des sources et la liberté de la presse.

Paris
Lundi 24 juillet 2023
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