Comité national des 28 et 29 mars 2025

MOTION - L'ubérisation... version AFP !

MOTION - L'ubérisation... version AFP !

C’est l’un des fleurons du paysage médiatique français. Connu et respecté en France mais aussi à l’international, tout autant et peut-être parfois plus que ses concurrents Associated Press ou Reuters. Fondée en 1944 à la Libération, l’Agence France Presse revendique aujourd’hui une présence dans plus de 150 pays, et la publication de plus de 100 000 dépêches chaque mois. 

Mais comment, et à quel prix ? 

L’AFP emploie officiellement « en direct » 1 500  journalistes, mais en réalité ce chiffre est bien plus important. Car pour une couverture toujours meilleure, plus pointue, plus rapide et présente à travers le monde, l’agence a largement augmenté le nombre de ses journalistes à l’étranger.  
Là où le bât blesse, c'est de voir l’AFP privilégier des contrats sous statut “local”, largement moins-disants financièrement et socialement que les contrats sous statut “siège”. Les bureaux étrangers de l’AFP semblent tout faire pour ne pas salarier leurs journalistes en contrats français, d’où l’émergence de plus en plus rapide de multiples catégories de salariés, plus ou moins précaires, avec des statuts plus ou moins légaux, plus ou moins imposés. Le dumping social, voire l’ubérisation, version AFP. Cela fragilise gravement les journalistes dans les pays où ils travaillent.

On relève un contournement répété du salariat, avec des journalistes payés en facture, sans feuille de salaire, et parfois via un virement intraçable type Western Union…  Le tout en violation de la loi Cressard et du Code du Travail français, qui rappelle notamment dans son article L. 7112-1 que « toute convention par laquelle une entreprise de presse s'assure, moyennant rémunération, le concours d'un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties ». 

Les journalistes concernés, qu’ils soient de nationalité française ou étrangère, n’ont souvent pas d’autre choix que d’accepter ce que l’AFP leur impose. Et ces derniers mois, la direction de l’AFP exige dans nombre de ses bureaux à l’étranger la signature d’un document inacceptable, qui n’est pas un contrat de travail mais un “accord sur la prestation de services” ! Ce document a pour objectif essentiel de déchoir les journalistes pigistes de leurs droits. Il précise explicitement : “Cet accord ne pourra, en aucune circonstance, être interprété comme un contrat de travail avec lien de subordination”. 
En cas de refus de la part des journalistes des conditions imposées, l’AFP procède à des licenciements abusifs.

Lorsque les syndicats essaient d’évoquer ces pratiques antisociales, l’AFP rétorque avec cynisme que ces journalistes ne rentrent pas dans le périmètre d'action des syndicats français, alors qu’il existe un lien de subordination incontestable de ces salariés et des bureaux de l’AFP avec le siège de l’Agence à Paris.

Nous demandons solennellement un rendez-vous sur ce sujet majeur, au président directeur général de l'agence. Nous exigeons également des concertations d’urgence avec les syndicats ainsi que la suppression de ces « accords de prestation de services » imposés aux journalistes. Rappelons que le budget total de l'AFP pour 2024 s'élève à 330 millions d'euros, financés en partie par l'État, qui contribue à hauteur de 119 millions d'euros au titre de sa mission d'intérêt général.

L’AFP est loin d’être le seul média français à utiliser de telles pratiques, qui sont de plus en plus répandues (y compris dans les médias publics) alors qu’elles sont condamnables (et condamnées) devant la justice. Précariser ainsi des milliers de journalistes est une honte et un danger pour la qualité de la couverture de l'actualité internationale. 
Le travail des journalistes à l’étranger est vital pour les médias français et l'accès à l'information de nos concitoyens. Garantir leurs droits et leur sécurité matérielle doit être la priorité des médias qui les emploient.
 

Paris
Samedi 29 mars 2025
Accès pour tous